Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Les écologies

    Dans le combat séculaire entre civilisation et barbarie, entre bien et mal, entre manichéisme et christianisme, il y a la dénonciation absolue du principe de précaution, le viol de Nathalie (Lucrèce), le déchirement de la robe de Cécile Duflot, et la fin de la tonsure de Cohn-Bendit.

    Le principe de précaution est il techno ? Et oui: le concept de climatospécisme, néologisme de ma part, se doit de dénoncer une violation caractérisée du bon sens qui affecte la lie boboisée de l'humanité, acharnée au nom de sa conception dévoyée de la nature de vouloir l'organisation enfin matriarcale de la terre mère. 

    Certain de l'influence de l'homme sur le climat, l'humanité libérée de la météo peut maintenant tout vouloir et organiser le bien, c'est la thèse. 

    Frédéric Neyrat le dénonce à raison dans http://www.seuil.com/ouvrage/la-part-inconstructible-de-la-terre-frederic-neyrat/9782021296488

    Le bon sang mais c'est bien sur raisonne dans la tête des sots, et j'en suis bien sur, mais l'évidence du constat et de la figure sonne bien. Le transhumanisme est bien sur écologique et tout ça c'est pareil. 

    D'abord on partira des conceptions de la nature, puis du relativisme et du constructivisme... 

    La nature est ce qui nous est à la fois extérieure et bien connue, elle est l'image ordonnée du réel. Longtemps puissante, elle est depuis peu fragile voire notre victime et on doit maintenant, non plus la maitriser, mais la préserver. Ce changement d'ontologie, qui suppose qu'il puisse y en avoir plusieurs (d'ontologies) fut décrite par le successeur de Levi Strauss, Philippe Descola dans son "par delà nature et culture". Il y a deux décisions à prendre et donc quatre positions possibles à occuper. Nous avons un intérieur et un extérieur, un corps et une âme. De notre corps et de notre âme, qui est lié à, en communion avec, la nature et qui ne l'est pas ?  

    L'occidental moyen a un âme (intériorité) distincte du monde et un corps (physicalité) naturel. L'asiatique est complètement extérieur au monde, corps et âme. L'animiste amérindien ou africain et le dual de l'occidental: son âme est dans la nature, et son corps vit suivant d'autres lois. Le totémiste australien est entièrement naturel, corps et âme.

    Une chose extrêmement intéressante: l'ontologie naturaliste a émergé en occident de l'ontologie analogique en cours à la renaissance... 

    L'idée est parfaitement passionnante car Eco l'avait rappelé: la renaissance rompt avec le moyen âge en sombrant dans un monde à la fois fanatique et "hermétique": le monde devient un livre rempli de symboles, et donc radicalement spirituel et surtout signifiant pour l'âme, évidemment extérieure au monde. Le moyen âge fut plutôt animiste, on faisait bien des procès aux animaux, mais là je ne serais pas aussi affirmatif que d'habitude, les allégories moyenâgeuses étant bien analogiques aussi...  

    De manière générale, le point de vue "analogique" est une vision essentiellement digitale, analogique du monde comme expliqué par des combinatoires discontinues d'états dont les proportions variables qualifient les différences d'être (pas mal le "digital, analogique" non?) . De ce point de vue, il semblerait (mais là encore, je m'avance peut être) que la classification de Descola lui même n'est qu'une variante intellectualisée à la française de la grandiose division du monde chinois en composants issus de l'eau, du feu, de la terre, et il ne faut pas l'oublier, du métal et du bois. Le chaud, le froid, l'humide et le sec, tout se classe et l'homme est image de l'univers et réciproquement. 

    Cette belle conception est à la fois constructiviste (des principes généraux abstraits gouvernent le monde, ex cathedra), et soupçonnée de relativisme (tout ce vaut, et l'occidental n'a raison que relativement à sa croyance) se veut en fait scientifique et résolument naturaliste, même, c'est son auteur qui le dit. 

    Elle introduit néanmoins la possibilité d'existence de points de vue tout à fait différents quand au monde, et donc de les légitimer, voire de rendre obligatoire leur reconnaissance. On est dans l'ontologisation du monde, les différentes êtres, tels les pokemons, se devant de se faire face dans toute leur diversité irréductible et à quoi ils sont attachés. La nature de cet attachement, si elle est ontologique est doublement irréductible: il y a l'être de la classification, et celui de l'individu, plus bien sur l'attachement définitif entre les deux. Ce qui fait que la "reconnaissance" de cet état est en fait multiple: on accepte (de manière tolérante) une différence irréductible tout en la rendant obligatoire (on pourrait exiger que les préceptes correspondant soient respectés). 

    L'alternative à ces types de conceptions consiste à se référer à des ontologies minimales, qui attribuent aux objets la liberté de se décrire eux même sans en avoir l'intention. On se retrouve dans des théorisations dites "cognitives" plus proche des conceptions individualistes. Par exemple, un certain type de culture, associé à des modifications volontaires du mental par une prise de drogue, pourrait être approchée: on rendrait possible le "going native", l'être "natif" se réduisant à une attitude humaine possible, reproductible et descriptible.

    Ainsi, l'illusion de Müller Lyer (les deux segments égaux rendus plus grand ou plus petit suivant les flèches qui l'entourent), est surtout visible par les européens, habitués aux décors avec perspectives, ou un coin de mur intérieur est plus "prés" que le coin d'un immeuble. Il s'agit d'une explication par adaptation à l'environnement, au contraire d'une explication sur une structure préétablie géométrique de l'esprit humain. De fait des peuples vivant dans le désert ne seraient pas sensibles à cette illusion...

    On peut aussi (là c'est Sperber) évaluer l'importance dans les attitudes collectives de ce qui favorise dans la sélection des discours l'importance donnée à des autorités extérieures qui les valident plutôt qu'à un jugement personnel immédiat. Cela peut expliquer par exemples les croyances collectives à un invisible. Bref, on est là dans les explications de type "cognitives". 

    On ne peut ici se passer de raconter l'histoire de la "rencontre des antilles" quand l'indien qui rencontre l'européen se demande si celui-ci a un corps différent tandis que l'européen se demande si l'indien a une âme. Au delà des ontologies, on pourrait aussi y voir un premier contact entre des armures en métal d'une part, et des hommes nus d'autre part. 

    Il y a aussi l'histoire du Douanier Rousseau qui vécut la forêt qu'il peignait, mais dans les serres du jardin des plantes. L'évocation est poétique, et on se demande ce qu'elle vient faire là. 

    Par contre, il y a cette question des psychotropes et de leur rapport avec les religions. Il y aurait une ligne est/ouest en Amérique, qui sépare ceux qui en prennent ou non, alors que les représentations religieuses n'ont pas cette différenciation. On est là sur l'autre versant de l'argument, la prise de drogue et le "going native" ayant beaucoup fasciné une génération entière d'ethnographes, c'est la fameuse question de l'ayahuasca.

    En bref, les méta croyances et donc au final les positions politiques explicites sont assises sur les modes dans la pratique des sciences humaines et les débats théoriques font rage, les sciences en question ayant leur histoire, et leurs extensions géographiques et temporelles. 

    Perçue comme "science", l'éco "logie", dont les racines psychotropiques non cannabiques quoique, sont tout de même liées à ce rêve de faire pousser quelque chose sur le sol sableux de la planète Dune, en tout cas c'est le souvenir que j'en ai et j'ai l'âge qui correspond, permet de mettre en oeuvre toute l'artillerie conceptuelle exposée peu avant. On trouve pourtant à la base de la chose, une conception puissamment scientiste et naturaliste, mais aussi fictionnelle et spirituelle et c'est ce qui produisit le dérapage et la grande confusion de valeurs qui produisit cette sorte de cancer idéologique qui pourrait (ou en tout cas voudrait) contrôler ou animer les caractéristiques techniques en évolution des sociétés modernes.

    Ce qu'on y voit est une substitution, une inversion quasi magnétique entre matière et esprit sur le schéma suivant: la nature que l'on maitrise/pollue peut être maitrisée/dépolluée, le point focal concernant non pas la maitrise physique à développer, mais à la nécessité de la pratiquer, et donc la modification de la manière de la pratiquer, voire l'étude exclusive des pratiques spirituellement bonnes, la maitrise portant désormais sur l'étude du spirituel de l'activité. Une volonté de maitrise du surnaturel est à l'oeuvre et voilà ce qu'est l'écologie: une post-religion, mais dans un cadre de changement ontologique revendiqué des relations entre culture et nature. 

    Ancrée bien sur dans la possibilité même de renverser le sens commun, elle subventionne le relativisme dans sa forme la plus extrême, la découverte de l'autre allant jusqu'à la possibilité, voire la nécessité de se transformer en lui, cela au détriment de ce que nous sommes, corps et âmes bien entendu. C'est bien sur l'aporie de ce relativisme là que d'aller jusque là, la démarche étant contradictoire, car la nécessité faisant loi, la liberté de choix n'est réservée qu'à quelque uns, Beaupin ne demande jamais la permission au libertinage.  

    L'idée est tout de même là: l'essentialisme des points de vue se veut porteur de rupture d'être, ceux qui sont en avance espérant disposer d'avantages sexuels, comme de bien entendu. 

    Il est clair que les attitudes à ontologie fixe, qui ne se lasseront  jamais de ne jamais considérer qu'il y a du nouveau en quoique ce soit, sinon dans les inventions des hommes, dans leurs idées donc, plutôt que dans leur être, sont par essence (héhé) irréductibles à ce type de propagande et s'en défendront toujours. Cette critique se doit d'être réservée quand aux expressions utilisées dans les conversations, explicite dans le combat idéologique et bien sur insultante et vulgaire dans les combats systématiques contre les méchants. 

    On s'appuie sur une critique (rien ne vaut un bonne critique) de Descola menée par Martin Fortier.