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  • Les Démocraties

    À l'occasion d'un débat d'accords entre un vieux et un jeune (1), quelques conclusions, qui complètent la lecture de Gaucher (3).

    D'abord que 2005 (il y a 20 ans exactement) fut un coup de tonnerre dont la décision parlementaire de 2008 fut le traumatisme en écho et le vrai drame: la Vᵉ république y serait morte, nous dit Gauchet. Le malaise référendaire, le RIC fut la principale revendication des Gilets Jaunes, et en caractérisa la puissance. 

    Il redit en (2) d'une autre manière, encore plus saisissante: à l'occasion, l'État a en vingt ans disparu, c'est-à-dire s'est désagrégé, remplacé par une bureaucratie éloignée qui ne le remplace en rien. Les conséquences en sont visibles, dans tous les domaines. Alors que des personnes mal intentionnées se glissent ici et là (on pense aux frères, mais les laboratoires pharmaceutiques aussi, sans parler des trafiquants de drogue), on aura noté au passage la disparition des partis politiques de gouvernements témoins d'une démocratie d'alternance (PS et LR ne résistèrent pas au traité de Lisbonne), fusionnés dans le bloc central soumis à l'Empire, et assiégé par les populismes. On rira à l'occasion de voir Gauchet se revendiquer populiste.

    La chose est d'intérêt et la suite du débat le montra. 

    Mais d'abord, les points d'accords fondamentaux, et les mentions qui y furent faites, montrent bien l'état du débat en France, à la fois gelé et en échec, ce qui cause le malaise, voire le vertige qui nous saisit quand on considère la démocratie.

    D'abord la liberté d'opinion, écrasée par ce qui devient manifeste: la liberté d'opinion a été réduite, voire écrasée par toutes les limitations à l'expression: lois mémorielles, anti racistes et autres appels à la haine ou apologies du terrorisme structurent les débats à un point insupportable, au point de verrouiller les débats. On s'achemine progressivement vers une représentation de la démocratie représentative qui en fait une comédie vaine déconnectée des opinions populaires. La souveraineté populaire est menacée et ces lois vagues sont laissées à des juges quelconques, libres de leurs appréciations arbitraires. La question n'est pas les juges mais bien les lois: un premier amendement à la française est nécessaire et là Gauchet se montre particulièrement clair et net: il faut rétablir la liberté d'expression totale hors l'appel au meurtre et la diffamation. 

    Ensuite le référendum sur les lois avec l'exemple du serpent de mer objet de tous les fantasmes : le référendum sur l'immigration. Car les enquêtes le montrent: une nette majorité en France souhaite que soient mises en place des politiques limitant l'immigration. Reste à formuler la question, certes, et c'est bien ce que dit Gauchet, la question devra être posée d'une manière ou d'une autre. L'autre question est "comment"?  Comment rendre possible de prendre une direction claire sur un avenir qui ne peut plus être laissé aux fantasmes et aux délires ? Comment ressusciter un débat droite/gauche, c'est-à-dire un débat alors que le clivage démocratique n'est plus représenté, et n'est pas remplacé par des diabolisations réciproques multidirectionnelles ? 

    Après, on peut diverger. 

    D'abord la question du mauvais gouvernement élu, qui commanderait et justifierait les lois de restriction de l'expression et le non-usage du dangereux référendum. L'exemple de Hitler, soulevé récemment, est un pont aux ânes à détruire: Hitler ne fut PAS ELU ! Minoritaire au Reichstag en 32  (33% des voix), et en recul, Hitler fut nommé car chef du principal Parti dans une alliance conservatrice effondrée et dispersée. Tout comme Pétain, il n'arrive au pouvoir que soutenu par des parlementaires impuissants hostiles obligés de tenter de le manipuler pour échapper aux communistes. Le tort du "mauvais gouvernement" n'est pas celui du peuple, mais celui du régime parlementaire... 

    L'autre argument est celui du mauvais vote, que cela soit celui contre la constitution européenne ou celui (à venir?) pour l'âge de la retraite à 60 ans, pourtant déjà (en quelque sorte) mené en 1981, c'était la principale proposition de Mitterand, décidée en connaissance de cause par un peuple corrompu qui s'infligea lui-même son (lent) déclin heureux. 

    L'argument du mauvais mauvais vote, c'est plutôt celui pour la peine de mort "courageusement" (mais contre l'opinion de l'époque) abolie. La voilà la vraie justification ("antiraciste") du refus du référendum sur (contre) l'immigration... 

    Mais la question est la question. La question posée par le référendum ne doit pas faire l'objet d'interprétations diversifiées. Je m'explique. Le référendum de 2005 ne fut pas un référendum pour ou contre le fédéralisme européen. Ce qui fut débattu de manière enfiévré c'est avant tout le caractère "libéral obligé" de l'Europe perçue alors comme anti souveraine au sens qu'il s'agissait de faire son deuil définitivement de la question de la gauche au pouvoir. Traumatisée par les "trahisons" de la gauche en décomposition qui s'était fait voler l'élection de 2002 du fait de ses désordres, on voulut, et c'est le vrai sens du résultat du vote, s'affirmer une dernière fois. La démagogie de Laurent Fabius, à rebours de tout son passé, et tout pour sa gueule, fit tactiquement le résultat: la moitié du parti socialiste tout de même, plus tout le reste.  

    Multiple et insincère ce vote non n'a pas signifié grand-chose, et le vrai débat n'a pas eu lieu, comme à Maastricht, où là, la France avait décidé, et encore, sa pitié pour la vieille arsouille ayant juste arrangé les choses, plus la décérébration de Chirac, qui y avait gagné son élection de trois ans après. Tout ça pour ça, car il ne régna que deux ans... 

    Les véritables débats des référendums gaullistes furent tranchés binairement et sans ambiguïtés ni multiples embrouilles. On pourrait dire que le dernier d'entre eux fut obscurci par le départ du vieux, mais cela était voulu et on prit nos responsabilités. 

    Un référendum obligé sur la fédération européenne serait peut-être la solution et Gaucher semble le suggérer. Le "NON" qui serait porté ayant valeur de raison claire à toutes les politiques et réformes qui pourraient en découler. À moins, qu'il ne soit encore une sempiternelle ambiguïté exploitée, le "pour ou contre l'Europe" l'ayant été au-delà du possible et peut on imaginer que la réponse soit "OUI" ? Là encore, c'est bien cette éventualité inacceptable, équivalente à l'élection d'Hitler, qui fait qu'on ne le veut pas, et qu'on ne l'a jamais voulu, l'instauration douce de la déchéance, suivant la tactique de la grenouille bouillie, de la fermeture éclair ou du suppositoire à cran ayant été préférée, et mise en oeuvre avec succès. 

    Bref, je le maintiens, le référendum est dangereux et en fait insincère car trop polluable. Le seul qui vaudrait serait celui qui remettrait la loi française devant la loi des traités et qui (re)donnerait ainsi la liberté à une vraie majorité pour faire le ménage. Les juges dotés de peines planchers et privés du loisir d'interpréter des textes obscurs et ambigus pourraient faire leur vrai métier d'éviter les erreurs judiciaires en sanctifiant les punitions nécessaires à l'exercice de la loi et tout se passerait mieux. 

    Le fait est que les français sont trop "intelligents": ils se piquent d'interpréter par derrière les questions posées. La retraite à 60 ans par exemple, empêcherait une mesure d'âge mais pas des incitations à rester travailler volontairement, comme on s'y achemine de fait plus ou moins péniblement. Alors que le vrai problème est bien sûr la retraite à 70 ans incontournable à terme avec aussi la retraite par capitalisation tout aussi obligée, les deux étant clairement refusés et donc impossibles à l'heure actuelle. Cela fait beaucoup de questions complexes à poser, la démagogie qui s'accordera toujours pour prétendre disposer d'une astuce permettant de réaliser l'impossible étant le problème. Encore une fois, l'élection de 1981 a matérialisé l'impossible démocratie d'alternance, qui n'a pu qu'engager le pays vers son abaissement inévitable, au nom d'une démocratie qui n'est plus en mesure de gérer l'État. 

    Car là est la vraie question, par delà les oiseuses et hypocrites considérations sur la "démocratie": notre abaissement est saisissant et accablant et rien ne permet d'envisager qu'on puisse s'en sortir, du fait même de la volonté du peuple et de l'état de ses élites, de sa culture globale et de l'état de ses moeurs. 

    On l'a déjà dit ici, les abaissements ne consistent qu'à céder à la facilité démagogique (1981) ou à la lâcheté (1940). Pour se relever, il faut une vraie peur et/ou une vraie violence (1940,1958, 1962,1968). Quelle sera celle qui nous remettra debout ? 

    (1) Eugénie Bastié Gaucher Daon https://www.youtube.com/watch?v=TgkbOH1xFC8

    (2) Gaucher Kuzmanovic https://youtu.be/liTh6ME2Uis

    (3) Les Gauchers, ici même http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2024/11/24/les-gauchers-6524275.html