À l'occasion d'un interview de Jean François Bayart (1), s'expose la question d'une sorte de généralisation abusive qu'on retrouve partout, qui est dans les termes parfaitement absurde et contradictoire et qui pourtant hante notre temps, transformant l'Occident rationnel en pétaudière qui se suicide. C'est ma théorie.
La scientificité humanoïde, ou la sociologie, bref, ce qui introduisit à ce qu'on peut appeler le "deuxième marxisme", ou deuxième tentative de fonder à gauche via des systèmes intellectuels scientificisés en charge d'inspirer les gouvernances est basée sur ce tout ce qui se rattache au "constructivisme" ou description des faits du monde par leur apparition historique : ces choses là ne "sont" pas, elles furent créées par l'homme par convention, habitude, méchanceté, voire bon vouloir (parfois). Élément essentiel de la défense de tout constructivisme, et conséquence obligée, celle que je dénonce, la proclamation de non-existence, associée quasi directement à l'ancienne négation du divin, aujourd'hui privée de toute énergie mais qu'on recycle avec cette même énergie: état, paternité, nation, idéal, capitalisme, et aujourd'hui histoire et même sexe, tout cela n'existe pas, et n'a jamais existé.
L'opposition est celle, conceptuelle, entre état et processus parangon de la métaphysique. Déchirant le langage et toute conception a priori sur la nature de toute chose, l'expression intellectuelle réfléchie qui classifie toutes ces choses qui sont entre fugaces développement temporels et éternités des matières indestructibles, est ici à la manoeuvre, mais on dirait sans qu'on le voie. Pourtant le présupposé semble universel: n'existe que la chose essentielle et ce qu'on démontre apparu conventionnellement, ou même simplement historiquement n'a aucune valeur. Un faux caillou.
La démocratie ? Une invention récente, inutile et enjuivée, l'accord dans la forêt entre poilus hurlants suffit bien et a marché assez de temps pour qu'on y revienne enfin. Il y a d'autres exemples.
La divergence empire/état que décrit si bien Bayart, source du racisme et de la violence du siècle dernier, fait bien apparaitre le caractère construit et historique des nations, dont il affirme la non-existence et la relativité, avec les identités, les traditions inventées et en gros, tout ce qui fait le discours implicite des réactionnaires, prouvé faux, nous sommes ici avec un scientifique.
Ce qu'il y a d'étonnant avec cette scientificité imperturbable et destructrice, et son implacable assurance souriante, son imperturbable cruauté ironique: vous n'êtes qu'un fantôme ou un imbécile, de croire à tout ça et vous serez bientôt oublié. Votre vie n'est qu'un rêve absurde et vous devez disparaitre. La vérité a triomphé et vous aviez tort.
La chose est évidemment pourtant contradictoire: quelle meilleure manière d'essentialiser une chose que de a décrire ainsi en détail, en utilisant ses attributs cachés, dérisoires et mensongers mais véritablement descriptifs, contrairement aux officiels ? La chose existe en fait, mais, elle doit mourir, car mauvaise, voilà l'enjeu.
Pourtant, on pourrait imaginer, et c'est ce que fut, avant, la prétention, que, au contraire, l'étant conventionnel, puissant et collectivisé bien qu'enfin décrit comme améliorable, mutable ou historisé, soit en fait un étant respectable et à protéger dont l'histoire même, c'est-à-dire l'ancienneté connue, mérite respect et attention: ce qui fut si longtemps aurait-il des qualités ? Mieux ! Ce qui fut extrait de légendes avant-hier, et promu enthousiasmant hier, correspondrait-il à une valeur à considérer du fait de l'action de ses promoteurs, pas forcément illusionnistes ? Pourquoi ne pourrait-on pas créer des valeurs et le revendiquer ? Qu'y a-t-il de mal à inventer des traditions, et qu'est-ce qui fait que la Vache Qui Rit, sacrebleu c'était une pub en fait, doive disparaitre ?
Mieux, c'est cette recréation perpétuelle d'images et valeurs collectives symbolisées et symbolisantes, qui font l'histoire des esprits qui se rassemblent, en remettant toujours en commun quelque chose d'antérieur, qui fait que la tradition inventée est toujours en fait souvenir d'autre chose et partage d'avant, par définition. Quand j'étais petit. S'il doit y avoir considération, c'est pour le caractère "étique" universalisable du phénomène ou plus exactement de ce qu'il produit, ces choses apparemment superficielles qui font parler les gens entre eux. Les traditions sont TOUJOURS inventées.
Et puis il y a les fondamentaux. Les conventions se rattachent à quelque chose, et oui, l'épée brandie ressemble à un sexe masculin en érection, le "décryptage" de la chose étant au moins autant fantasme rationalisé de vieille fille que profond dévoilement d'un inconscient dont la capacité de forclusion vaut bien l'hypocrisie du vieil escroc incestueux à l'origine de tout ça. Il y a un réel, d'ailleurs accessibles aux scientifiques des diverses obédiences.
Le sexe par exemple, malgré tous les efforts des vieilles guenons mal baisées qui veulent en faire un genre voire un autre, a une réalité avant les prises d'hormones et même réduit à un gène sur le chromosome Y qui peut apparaitre sur un X, reste un fait objectif que nulle connerie conventionnaliste ne réduira, et certainement pas la bipolarité asexuée d'adolescentes perdues qui se tatouent le sexe qu'elles veulent s'arracher. Tel était pourtant l'agenda caché des scientifiques, comment mettre le mot au féminin, toutes les thèses sur le genre étant le fait de greluches hystérisantes, par un pet de parité dans ces conclaves de non mixité nécessaire que sont devenus les jurys universitaires.
Nous avons sauté directement au woke, aboutissement de la chose qui en l'un des piliers. C'était bien le sujet, le point d'orgue d'une dégénérescence qui nous a mis au bord du gouffre, et qui vient de loin.
J'en reviens à la découverte de ce "conventionnel", grande invention de la modernité, voire de l'Occident, la maitrise de la nature étant par définition dévoilement que la chose n'est plus sujet "surnaturel" mais est bien objet soumis à des lois, expressibles dans le langage et que donc, ce qui en assurait la solidité avant ne peut plus exister, étant entièrement remplacé par le discours avancé. À partir de là, et c'est bien à la fois la dénonciation et l'affirmation nominaliste, il n'y a plus que des paroles, les nôtres, et je peux aller déclarer ma féminitude à un fonctionnaire interdit de me tâter les nichons.
Avant d'aller aux extrêmes, il y a pourtant bien une métaphysique particulière à l'oeuvre et une conception des choses qui s'illustre, la nécessité philosophique de la différenciation entre bien et vrai faisant qu'en toute logique on devrait pouvoir cantonner le conventionnel et lui attribuer la réalité qu'il a.
Le constructivisme a pourtant du mérite: c'est de là qu'on put décrire que des objets agissants symbolisés et présents dans nos quotidiens sont en fait des individus avec qui nous avons des transactions. Quoi de plus astucieux et séduisant ? Faut-il s'interdire de penser de la sorte de peur que de petits trous du cul débiles incultes hurlent à la divergence entre la machine et l'homme ? J'insiste ! Les découvertes et réflexions des temps modernes qui furent à l'origine de cette relativisation des considérations sur notre monde n'avaient pas eux l'agenda woke que toute la bande de frustrés terroristes assume aujourd'hui !
On pourrait imaginer qu'une structure du monde séparerait les choses (on serait là dans une métaphysique de la gauche, ce qui rajouterait un livre à Aristote). L'avant et l'après, au sens ou la valeur présente serait à abattre car violant un passé qu'on voudrait revoir. La pensée révolutionnaire: le présent est illégitime car décidé par Papa, il faut revenir à avant sa naissance à lui. Non pas ressusciter le grand-père (cela serait pire), mais refonder le monde sur une éternité fondamentale dont la différence d'avec maintenant montre à quel point elle a été (injustement) violée.
L'autre côté de cette infection morale, qui agite tout de même la moitié de l'opinion, en moyenne, est l'inverse: le passé est à la fois réel et perfectible, non pas présent (il a disparu et on le réinvente en permanence) mais référence ancienne, fantasmée et désirée, qu'on veut réaliser "en mieux". Une sorte de progressisme sauf que le mot est déjà utilisé, pour désigner ce qui est en fait le strict contraire: le révolutionnaire destructeur dont on a parlé et qui a déguisé sa fausseté derrière tout ce qu'on peut légitimement désirer: scientificité, moralité, intelligence, mis en avant pour mieux tromper.
La preuve: le livre que Macron publia pour se faire élire s'appelait "Révolution".
Alors que la science est d'abord incertitude et recherche rigoureuse obligée, qui se doit d'être ignorante des grands intérêts, sinon comme instrument des technologies de la prospérité. Elle ne peut donc pas mobiliser en son nom des changements sociétaux sans devenir vilaine technologie ou instrument moraliste. Lutte contre le changement climatique ou surhumanité ne peuvent ainsi émerger d'une "science" directement, sans passer par un "construit", justement !
Alors que les nations, évidentes communautés actives possibles sont les seuls rassemblements logiques des volontés humaines nécessairement à rassembler, entre empires et tribus, les deux autres formes de fausses associations, dévoluant au religieux ou au familial ce qui ne pourra jamais être ni à l'un ni à l'autre.
Le rapprochement entre les deux hiatus est explicatif: la motivation pour l'inexistant construit est révolutionnaire, ou plutôt motivation du révolutionnaire qui s'engouffre dans la certitude d'un chemin obligé: du passé faisons table rase car rien n'existe ! Facilité par l'innocuité de son parricide (papa n'existait pas) le coupeur de tête et de traditions s'avance, innocenté.
Hélas, la position est trop tentante, et tout découvreur d'explications se voit découvreur de trésors cachés au point de finir par croire que c'est lui qui a enterré l'or trouvé: l'hasardeuse trouvaille devient prétention, voire guiage messianique extrayant un passé sans autre humilité que celle du mot "révolution", associée à l'évènement que son écrit provoque avant même qu'il ait vraiment changé le monde.
On passera sur les absolues certitudes qu'engendrent cette hubris là, allant jusqu'à ne jamais lésiner sur les violences nécessaires envers les adversaires du projet. Mais que diantre, qui sont ces gens qui s'opposent au progrès intrinsèque à la révolution ! Qui sont ces gens qui se battent pour rien ?
Toutes ces niaiseries ne siéent qu'aux faux intellectuels de notre temps, entrainés en meute dans des rêves collectifs fous, qu'ils soient ceux de la révolution prolétarienne dont l'infâme charogne fut maintenue puante pour animer l'endettement du monde au nom du misérabilisme social, et qui a muté mangée par les vers en une surhumanité (légitime, elle en est l'exemple même, 2 siècles après Hegel, les vers la rongent encore) informatisée qui avant ses 120 ans réclamés, s'achève dans la dénatalité à prothèses mammaires et bien sur à changement de sexe, conjugaison des deux.
(1) Elucid Jean François Bayart https://www.youtube.com/watch?v=kFJlPeJGRV8