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  • Les chocs de civilisations

    On a lu Huntington, la bible de l'actualité présente et du multipolaire... 

    Bon en fait, il me semble que cette histoire de "civilisation" ne tient pas la route. Les conflits sont intercivilisationnels car entre proches et pi c'est tout. C'est aussi simple que cela. 

    Les "mondes" ou "civilisations" seraient : l'Occident, la Chine, l'Inde, l'Islam ? On pourrait le penser et dessiner des lignes de fractures, mais quid de la domination devenue agressive des USA sur l'Europe, du conflit entre Europe et Russie, entre Pakistan et Inde tous deux dans le monde Indien ET l'Islam ? Et l'Afrique? Combien de civilisations ? 

    Bref, il me semble tout à fait surprenant, voire incroyable qu'on puisse considérer les fractures du monde comme "culturelles". La pitoyable tentative de considérer les conflits internes comme locaux (le Rwanda pille le Congo au nom d'intérêts clairement qui ont un impact mondial et aussi le conflit Vietnam Chine reste latent avec des impacts possibles tout aussi latents) est absurde: dans un monde multipolaire, c'est bien au contraire les stricts intérêts économiques et nationaux qui deviennent prioritaires, introduisant les affaires du monde à la notion de "transaction", ce qui le rend infiniment plus complexe et dangereux. 

    Les transactions sont des contrats implicites ou explicites passés avec des amis et des ennemis dans un enchevêtrement qui peut donner le tournis. Israël traite avec l'Azerbadjian pour menacer l'Iran. Ce sont deux pays chiites en compétition, et la Turquie soutient les frères musulmans pour détruire Israël qui traite avec l'Arabie Saoudite  pour contrer l'Iran. Ce sac de noeuds n'est absolument pas un conflit de civilisations !!! 

    D'autre part, les civilisations sont non seulement mortelles mais aussi en crise prolongée. L'Islam, dont personne ne conteste la civilisation, le couscous et la chicha en sont les marqueurs, est en crise aigüe depuis le XVIIIème siècle, et malgré les efforts de Bonaparte (qui contempla effaré le Sphinx noyé dans le sable) de Mehemet Ali et même de Laurence d'Arabie, la situation n'a guère évolué en fait: coincée par le tribalisme qu'elle n'a jamais vraiment maitrisé, l'Oumma à venir ne sera ni arabe, ni turque ni persane ni même Oumma du tout ! Le rêve fondateur, que l'on avait cru réanimé, aussi bien par les nationalismes que par les religiosités terrorisantes n'en finit plus de n'apparaitre que comme chimère de fumeur de haschich. En crise structurelle permanente, et capable même de la résoudre par redirection des intérêts vers des vrais enjeux, enfin entre aperçus par des dirigeants qui finiront par se renouveler. Turquie, Iran, Arabie Saoudite, quel jeune homme apparaitra pour changer des donnes qui franchement lassent ? 

    Considérer l'Islam comme "civilisation" en conflit (avec qui ?) si en plus on prétend y ajouter Pakistan, Bengladesh et Maghreb en fuite à travers la méditerranée poursuivi par d'avides et prolifiques noirs est tout simplement débile. 

    Huntington a à demi -raison: la politique internationale est devenue multipolaire, mais certes pas multicivilisationnelle, sinon par le fait évident que parmi les nombreux pôles, il y en a qui appartiennent à des bassins culturels différents. 

    Un autre aspect est que les bassins culturels sont en fait différenciés et mixés. L'exemple de l'Amérique du nord, clairement civilisationnelle à elle seule, se différencie de l'Europe assez nettement : sous influence mais pas entièrement et au combien le vieux continent reste traversé par des conflits incompréhensibles au nouveau. La question russe en est l'illustration éclatante ! 

    Huntington parle de l'Ukraine et de la Russie en termes intéressants, toutefois, situant une frontière civilisationnelle au milieu de l'Ukraine, ce qui devrait selon lui primer sur la prédiction de Mearsheimer, qui lui, voyant deux États sans frontières naturelles, voit primer la question de la sécurité, grosse de guerre possible. Ce qui s'est produit ! Huntington est donc réfuté sauf que la nouvelle frontière passera précisément par la séparation entre le monde orthodoxe et le monde catholique, enfin marquée nettement... Qu'est-ce qu'on rigole: les classifications à priori faites dans le langage ne sont rien face au réel, ni dans un sens ni dans l'autre. Ce qu'il y avait de "russe" dans la partie de l'Ukraine qui vient d'être arrachée est-il civilisationnel ou tout simplement anthropologique ou pire issu d'un racisme galicien qui n'a rien de civilisationnel  ?  On ne peut dans tout cela oublier les circonstances... 

    Cela étant, il y a bien des notions d'identité, d'appartenance décisive et de représentations qui unifient les groupes humains à certaines occasions, on vient de le voir. Si ce ne sont pas des civilisations, qu'est-ce que c'est ? 

    La réponse sous forme de geste d'humeur faite ici répondra "ça dépend" avec hauteur, et comme indiqué, d'abord des circonstances et des contextes.

    Un point intéressant permet d'éclairer les choses: bien que "populaires" et marqués par des faibles revenus, les immigrés vivent en fait un enrichissement rapide par rapport à leurs origines et sont donc naturellement mondialistes, ce qui les différencie nettement des milieux ruraux, eux victimes du phénomène contraire.

    On voit là un magnifique exemple de "causes multiples", la séparation civilisationnelle étant effectivement cause d'un marqueur de différences de situations sur l'axe des progrès perçus, qui apparaissent comme des mises en opposition complexes... 

    Appartenance

    Un autre point est ce qu'on pourrait appeler le "sentiment d'appartenance" à la fois infra et extra civilisationnel et qu'on peut relier à la "fraternité" telle qu'elle apparait dans la devise de la République. La fraternité est ce qui correspond au sentiment qui cimente la Nation: celui qui délimite les frontières de la solidarité. Il y a un dehors et un dedans, et le mot solidarité recouvre toute l'aide qui permet de vivre au-delà de sa famille immédiate. 

    Indépendamment des civilisations, les sociétés humaines se différencient suivant les types d'"appartenance" (on se permettra de conceptualiser, là). On a d'abord l'appartenance à la famille étendue, système communautariste minimal propre à la ruralité dans certains types anthropologiques, les systèmes communautaires d'Emmanuel Todd. Dispensateur de biens et d'assistance, ce système a ses mérites et ses limitations. 

    On a aussi l'appartenance tribale, extension extrême de la famille étendue, et fournissant hiérarchisation et organisation régulée de celle ci. Elle est le système premier des sociétés humaines, et la fixation identitaire qui lui est associée, extraordinairement puissante, voire fondamentale. 

    Il y a l'appartenance nationale, récemment apparue et fondamentalement différente de la tribale, car régie par des conventions écrites et ne pouvant se dispenser de lois. Apparue récemment dans l'histoire de l'humanité, on pourrait dire qu'elle fut inventée par les hébreux, le nationalisme juif issu de ses traditions religieuses législatrices et légalistes étant manifestement l'origine enviée de ses imitateurs occidentaux, jaloux et envieux. 

    La démocratie athénienne, issue d'un monde tribal et dont l'appartenance à la cité, forme localisée du tribalisme reste l'essence de l'unité ne peut être qualifiée de "nationale" au sens où elle n'accorda pas le droit de cité aux autres cités, par définition, dont elle faisait des vassales au point de devenir impériale au mauvais sens du terme. Rome fut impériale et y réussit, comme empire. 

    L'empire est la forme réussie du tribalisme, dans ses aspects complexes et subtils. Toujours basé sur une centralité historique (qui choisit ainsi l'ethnie de l'Empereur) qui tout en masquant sa domination ethnique cherche à ménager et à autonomiser ses dominés, eux-mêmes contents (et jaloux) de leur sort tant que certains équilibres sont respectés.

    Les empires dégénèrent en nations quand le "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" se manifeste enfin, et que l'exigence de la souveraineté se met à gratter (tel un prurit) les peuples en question.  Le XXème siècle vit disparaitre plusieurs empires, et l'empire russe deux fois, ce qui n'empêcha pas une 3ème reconstitution impériale, la Russie restant une fédération incluant la Tchéchénie qui elle-même se révolta, puis rentra dans le rang. 

    L'empire est ce qui permet à des peuples différents de partager un gouvernement, la particuliarité étant maintenue et jalousement défendue dans les frontières régionales: la France en serait-il un avec la Corse, la Guyane les Antilles et Mayotte ? On y est presque bien que légalement on ait plutôt une territorialisation et une autonomie de commodité réduite à des petits peuples insulaires.

    Le djihad du quotidien

     

    On en vient à la théorie de Zemmour, qui décrit l'installation en France de l'Afrique musulmane comme un djihad "du quotidien" délinquant, et assimile la violence africaine à une guerre de conquête, la violence délictuelle traduisant une soustraction du peuple islamisé du droit commun autorisant le pillage de l'ennemi, le non-musulman méprisé que l'on veut soumettre. Sans remettre en cause certaines incompatibilités entre des systèmes culturels trop différents, je crois que la théorie du djihad du quotidien, adossé sur le concept de guerre des civilisations ne tient pas telle qu'elle est exprimée ici.

    D'abord parce qu'il y a les Marocains et les Algériens et ensuite parce qu'il y a les africains noirs: le projet musulman n'est pas un projet cohérent actif au dessus des civilisations et ne peut pas  l'être: trop diversifiées  les populations immigrées ne représentent pas un islam civilisationnel mais des populations déracinées inassimilables. Potentiellement manipulables par des organisations criminelles constituées cela est certain, ces populations ne sont délinquantes que socialement du fait de leur inassimilation; par définition la délinquance est soustraction au droit commun, et pratique de la violence. La surreprésentation de ce mode de  vie n'est pas "civilisationnelle", elle est structurelle et commune à toutes les civilisations. Surreprésentée en France chez les migrants africains ? Pourquoi pas, mais ce n'est pas leur civilisation, c'est le contexte de leur présence: historique, social, situationnel.

    Il est tout en ayant pu ne pas être: cette essence du contexte, imparable, ne peut se nier de part la critique d'une définition contestable de ce qu'est une civilisation et de son rôle sur les comportements, elle ne peut se nier de par le déni des chiffres, connus et imparables et que nous avons devant les yeux: surreprésentation au chômage et en prison, religiosité revendicative de visibilité et de clivages culturels, désaccords sociétaux. 

    La situation est mauvaise, et il faut rompre avec ce qui l'alimente, en soi: l'immigration de masse doit être arrêtée. 

    Surtout qu'il y a les enquêtes. En gros, pour l'instant, il n'y a aucune sécularisation de l'immigration musulmane, au contraire: le hallal se généralise et la fracture s'accentue. On en est à 75% de demande de visibilité, ce qui signifie que le bon grain qui veut bien s'assimiler tranquillement change peu à peu d'avis. Un conflit culturel s'installe, partiellement motivé explicitement par une volonté de faire respecter une foi particulière. 

    Soral

    Et puis il y a la théorie de l'Égalité et de la Réconciliation, le fameux thème Soralien qui consiste à imaginer une sorte d'union sacrée créolisée contre la seule chose qui s'y opposerait: les juifs. Car la distinction comme on dit, est insupportable pour des mondes qui se proclament à bon droit "civilisés": civilisés contre barbares ? civilisés contre civilisés dans des guerres non déclarées ? Non ! On ne se réconcilie pas quand on refuse d'abandonner ce qu'on est, et certainement pas contre un ennemi soit disant commun: une nation ne se divise pas. Et certainement pas en se divisant encore plus et de la plus laide des façons. La position soralienne, vicieuse et contradictoire déplore la massification immigrée mal faite, et ne veux n'y pallier qu'en l'acceptant au nom du refus de l'être juif, lui indéboulonnable mais qu'on veut arracher quand même au nom de la vraie douleur.

    Cela est promis à l'échec : la créolisation n'aura pas lieu, et il faut rompre avec le nouveau peuple venu à tort. Et pour ce faire, ce n'est pas la réconciliation qu'on obtiendra, mais l'immense douleur des après guerre civile, qui durent des siècles.