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Les guerres

A l'occasion d'un long article sur la fin de la première guerre mondiale, (1), (2), expliquant en détails les affres du président US Wilson à l'issue de la guerre, qui se termine par un traité de Versailles, entièrement piloté par lui, et qu'il ne signe pas, finalement. 

La SDN, embryon de l'ONU n'eut pas pour membre les USA. Partant de là, la déjà première puissance mondiale n'eut aucun rôle dans la marche diplomatique à la guerre en 38, 39 et 40. Avec les crises économiques, les fautes des diplomates et toutes les défaillances humaines et civilisationnelles du monde, on alla tout droit à la grande tragédie, bien pire que la première, et qui elle se termina bien. Enfin, "bien": on renonça à conclure, et 45 ans supplémentaire de guerre froide furent tout de même nécessaire pour clore l'épisode principal de la 1ère guerre mondiale: la révolution communiste... 

Wilson avait des problèmes de personnalité. Ses idéaux, ses revirements, son hypocrisie anglo-saxonne et ses inimitiés font que c'est le docteur Freud en personne qui écrit un livre sur lui (avec la coopération du fameux William Bullit) et c'est l'objet de la réflexion faite ici par Patrick Weil, l'immigrationniste bien connu, en fait historien qui a retrouvé le manuscrit original et qui raconte toute l'histoire. Wilson n'est pas ce qu'on en a dit. 

Installé 6 mois à Paris en 1919, Wilson négocie le traité basé sur les fameux 14  points, programme destiné à assurer la paix dans le monde, à tout jamais. 

Dans le traité, une alliance militaire avec la France: elle aurait été décisive en mai 40 et tout est dit... 

Mais les républicains au Sénat US sont inquiets des engagements à entrer en guerre induits par le traité. Wilson développe alors toute une interprétation des critères d'entrée en guerre, qui ne convainc pas. C'est alors que Henry Cabot Lodge fit témoigner , devant le Sénat le fameux Bullit , témoin des négociations et diplomate, révélant toute une série de faiblesses et de jugements négatifs sur le traité, y compris des avis tenus secrets de certains acteurs dont le secrétaire d'Etat de Wilson. 

Wilson catastrophé fit un accident cérébral et se trouva paralysé. Refusant la mention dans le traité d'une réserve concernant la nécessité de l'accord du congrès pour toute entrée en guerre, il appelle à refuser la ratification. BANG.

Les motivations complexes de ce refus quasi suicidaire justifient les questions sur la folie de Wilson, liée apparemment à sa haine insensée de Cabot Lodge, l'auteur de la "réserve". 

Les considérations sur Bullit et Wilson, personnages déchirés par l'histoire dont ils furent acteurs à un niveau décisif sont passionnantes. 

Une conception du diplomate Bullit: le destin de l'humanité est décidé à l'échelle des temps géologiques par la géographie, à celle des siècles par la démographie, à celle des années par l'économie et à celle des jours par la psychologie, à laquelle il se consacrerait entièrement, cela s'appelle la diplomatie. Belle leçon du premier diplomate Américain de la domination du monde par les USA, celle qui commençait. 

Celles sur la fin de la guerre de 14 aussi, bien sûr. 

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D'abord, les 14 points. Le plus important pour Wilson était la société des Nations. Représentant des crypto bolchéviques anglo saxons, dont Bullit en fait, Wilson était le porteur de l'idée du siècle: un parlement mondial où seraient représentés toutes les forces politiques et non pas simplement les gouvernements. Idée grandiose qui fut bien sur trahie, d'où l'horrible déception des progressistes qui cherchèrent à torpiller la ratification par les US. Bullit fut bien sur un élément quasi décisif de ce refus... 

Il s'agissait pour Wilson d'échanger auprès de Clemenceau la rive gauche du Rhin contre une garantie d'assistance à la France. Foch reprocha à Clémenceau cet échange ALORS que la ratification était en discussion au congrès Américain. Clémenceau répondit qu'on ne pouvait empêcher des Allemands de rester allemands. Il se protégea de l'annulation de l'alliance par une simple occupation temporaire de la Rhénanie, celle qui fut renforcée en 23 quand les Allemands refusèrent de payer les fameuses réparations, que les Britanniques avaient rendues énormes pour être sûr que ce ne soit pas que la France qui les reçoivent. Ces excès furent décisifs. 

La France refusa l'union entre Autriche et Allemagne, pourtant demandée par leurs représentants respectifs... 

De fait Wilson, et son âme damnée, le colonel House, avaient deux stratégies pour convaincre Clémenceau et Lloyd Georges: s'appuyer sur les peuples d'Europe ou négocier avec leurs chefs. Le groupe des jeunes progressistes, dont les journalistes, Bullit et bien sur Lippmann étaient les tenants du premier camp. On a donc, et c'est l'ironie et le sens de l'histoire les partisans devenus opposants à Wilson qui étaient en fait les fédéralistes mondiaux déçus qui inaugurèrent la grande confrontation du monde contre le communisme, celle où nous sommes encore. 

Car Wilson détestait les socialistes et s'arrangeât avec Clémenceau et Lloyd Georges. Clémenceau devint l'ami de House. et misa tout pour sa stratégie d'alliance américaine conditionnée par la ratification US. 

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Bullit eut une vie de roman, facilita l'expatriation de personnalités menacées dont bien sûr le vieux Freud (82 ans) qui dut assister sans broncher à la destruction de sa bibliothèque par des militants nazis le lendemain de l'Anschluss... 

Appelé "Monsieur l'ambassadeur" par De Gaulle (il faut l'ambassadeur US qui décrivit à Roosevelt l'abaissement proto fasciste de Pétain arrivé au pouvoir) il fit la fin de la guerre traducteur de De Lattre et admirateur du stratège qui faisait la guerre comme un poète. 

La suite de l'action de Bullit consista à rompre avec le Roosevelt en fin de vie qui jouait au grand dam de notre héros une politique d'"apaisement" qu'il dénonça dans un grand livre. Mais ce fut Forster Dulles qui conceptualisera pour l'histoire l'"endiguement"  en décrivant l'optique soviétique d'éradication de tout ce qui n'est pas communiste... 

Bullit était l'anticommuniste essentiel et attribuait au seul christianisme la capacité de lutter efficacement contre le communisme. C'est pour cela qu'il différa et édulcora jusqu'au bout la publication du livre écrit avec Freud, porteur d'une théorie du christianisme comme idéal de la conjonction masculin/féminin, la passivité féminine envers le père nécessaire au devenir Dieu, cet homosexualité latente qui animait Wilson.

Au passage on apprend (et réapprend) qu'alors que Freud n'avait pas d'hostilité envers l'homosexualité, décrite comme identification au désir de la mère envers son fils. Elle ne pouvait ni ne devait être guérie, malgré son coté tragique, surajoutant à la tragédie du désir humain en général celui de la mise au ban de la société. C'est le mouvement psychanalytique international, sa fille et ses successeurs qui développèrent la cure anti pédé et toutes les horreurs qui ont déshonoré de ce point de vue la psychanalyse (3). 

L'analyse faite par Freud et Bullit décrit en suite Wilson comme en conflit inconscient avec son père vénéré et son opposition maniaque à Lodge, à qui il ne voulu faire aucun concession. Il préféra saboter la ratification du traité plutôt que d'y inclure une réserve d'un homme qu'il haïssait pour l'avoir humilié publiquement. 

On terminera par la réparation de la suprême injustice, toujours objet d'avis sédimentés qui ne reposent sur rien. Dans "les conséquences économiques de la paix", Keynes, soutient la thèse du montant exagéré des réparations exigées soit disant par la rapacité française. De fait, ce montant exagéré fut obtenu par l'Angleterre en convainquant Wilson de les doubler en y incluant le paiement des pensions aux agressés dont les anglais. 

De fait, la non-ratification des USA fragilisa la position de la France qui devint véritablement fétichiste des réparations. Et puis Clemenceau échoua à la présidence de la République (refusant en janvier 1920 le chantage de députés catholiques qui voulaient des relations diplomatiques avec le Vatican). Élu, il aurait pu pousser Lodge et Wilson à s'entendre.

La responsabilité de Wilson reste entière: il entérina ce qui justifia la plainte Allemande et la montée de Hitler (les réparations) et empêcha que s'installe le contre feu (l'alliance France-USA). On remarquera toutefois que c'est cette alliance-là, bien plus que l'appartenance des USA  à la SDN qui manqua à l'histoire et ... détruisit la France. 

Pour finir, c'est bien dans le projet de la SDN qu'on inventa le principe des sanctions économiques à administrer à tout agresseur... 

La conclusion signée par Freud et Bullit: 

« Les faits valent mieux que la foi. La vérité est une alliée plus précieuse qu’aucune divinité. »

Bullit l'effaça, estimant sans doute, que pour lutter contre le communisme, la foi valait mieux que les faits. Le livre ne fut publié qu'en 1966... 

 

(1) https://actualitte.com/livres/419244/le-president-est-il-devenu-fou-le-diplomate-le-psychanalyste-et-le-chef-de-l-etat

(2) https://histoireetsociete.com/2022/05/01/le-president-est-il-devenu-fou-entretien-avec-patrick-weil/

(3) Roudinesco sur psychanalyse et homosexualité : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2002-1-page-7.htm

 

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