les fins
A l'heure ou l'urgence sanitaire devient urgence tout court et quand tremble toute la société, suspendue à une décision arbitraire prise par un gamin capricieux drivé par une vieille pédophile, il convient de revoir ses fondamentaux.
Tout d'abord il y a la question "théologico-politique", titre de Spinoza et aussi traité de Carl Schmitt (1921).
En résumé, Il y a deux récits dont un généalogique, Schmitt tirant les institutions politiques d'une sécularisation des concepts, le souverain étant à l'image de Dieu et l'état d'exception jouant le jeu du miracle. La sacralité du pouvoir fait descendre le pouvoir de et donc celui ci se trouve expliqué.
On se retrouve alors avec des figures pensées par leur contrepartie, la violence dont le souverain a le monopole pouvant être violence policière et la laïcité une solution au problème du théologico-politique, le spectre qui nous hante. L'état d'exception devient permanent et donc critiquable, et au combien.
Voilà donc identifié un trope séditieux, support intello de la subversion moderne, de la nécessité des migrants et celle de la ruine des nations occidentales. Identifié mais pas complètement décrit.
Car la chose est encore amplifiée par la spectralité de la force en question, l'Etat souverain oppresseur, celui qui, Léviathan, refoule l'anarchie Hobbesienne est donc sacralisé et identifié: il est le "catechon", l'empire germanique, l'Eglise , la néguentropie. Il est ce qui lutte en même temps contre l'anarchie et le totalitarisme, le règne du droit, de la demi-mesure. La puissance qui s'oppose à l'explosion finale.
Explosion finale ? Non! Le désordre à venir n'est que péripétie et annonce le règne du Christ revenu sur terre pendant mille ans de paradis sur terre, le millénium, qui précèdera un last shoot résolu par le Messie qui accomplira finalement tout.
L'antéchrist est donc annonciateur paradoxal d'un mieux. C'est Saint Paul (Thessaloniciens 6.2) qui le dit:
"""
Que personne ne vous trompe d’aucune manière. En effet, il faut que l’apostasie arrive d’abord et qu’apparaisse l’homme de péché, le fils de la perdition,
l’adversaire qui s’élève contre tout ce qu’on appelle Dieu ou qu’on adore ; il va jusqu’à s’asseoir [comme Dieu] dans le temple de Dieu en se proclamant lui-même Dieu.
"""
On en vient alors à Joachim de Flore (prononcer "Joakain"), l'auteur du "psaltérion à 10 cordes" qui prédisit en 1260 l'avènement du 3ème règne (après le père et le fils, le "paraclet"). L'avènement du millénium.
On évoquera ému (Bach me hante) la vie de Thomas Müntzer, étudiant à Leipzig, millénariste protestant, dont les 5000 paysans révoltés furent massacrés en un jour, tandis que sa tête décora les remparts de Mühlhausen en 1525.
La prédication millénariste est d'origine juive et se trouve contenue dans le livre d'Enoch.
Mais c'est l'apocalypse de Jean qui donne les détails. Il y a donc 2 resurrections qui encadrent le millénium, ouvert le 7 jour par la rupture du 7 sceau par l'archange Gabriel. Chaque sceau correspond à une génération, une étape temporelle. La longueur des étapes permet de calculer QUAND l'évènement charnière doit se produire.
Bon, en gros, le "millénarisme" ou "chiliasme" est la croyance en une période de paradis sur terre, la durée de mille ans étant symbole de ce qui nous sépare de la "vraie" fin du monde OU et c'est là le hic, symbole de l'éternité... Fascinant, non?
Irénée était millénariste, mais pas Origène: juste avant Ephèse, qui le condamna, Augustin décrivit les mille ans comme en cours, ayant commencé avec Constantin, et la grande peur de l'an mille, c'était ça, à moins que ce ne soit 1500 etc etc.
Joachim introduisit le millénarisme dans la civilisation moderne, Hegel et Compte en étant des suppôts; mais avant cela, François d'Assise en fut un beau. Considéré lui-même comme un Christ revenu, le second Christ, le messie du 3ème age, celui qui va précher l'évangile nouveau, dit "éternel". Bref, le bon François caché derrière son gout des animaux fut bien un héros de la chose.
Un stop and go avec Weber: le millénarisme de Flore est en fait un symptôme de l'apparition de la rationalité et de l'introduction du monde comptable et compté. On prédit à l'année près et les franciscains inventent la comptabilité. Fils de petits bourgeois, Joachim et François ont ce souci de l'efficacité calculatoire commerçante, à l'aube du monde moderne.
On passe au XVIème siècle, et on reconnait des antéchrists annonciateurs partout. Charles V en fut un et si Luther ne fut pas chiliaste, Müntzer si.
On se doit de citer Bernard Rothman à Münster qui promeut le communisme polygame anabaptiste, Jean de Leyde est torturé et exécuté en 1536.
Pour finir, la théologie de la libération sud américaine apparait comme un millénarisme sécularisé, comme on se retrouve. Condamné par l'Eglise il veut bien un paradis sur terre, d'abord signe de modernité, mais aussi porteur d'une forme ancienne de révolte contre l'ordre établi, on vient de le voir. Apocalyptique, le djihadisme l'est tout autant, dommage qu'il soit aussi meurtrier.
On retiendra l'étonnante force des idées constituées qui ne cessent de fasciner et d'exister, autonomes à travers l'histoire, enfin du moins c'est ce qu'on prétend ici. On retiendra la splendide trinité, illustrée par le psaltérion ou la musique: sonorité, parole et mode sont les 3 choses différentes qui composent la musique, séparées et unifiées à la fois. C'est Joaquim qui le dit.
(1) La doctrine anti nationaliste d'un Balibar https://www.cairn.info/revue-raison-publique1-2014-2-page-81.htm
(2) Joachim de Flore et sa postérité https://journals.openedition.org/temporalites/1422
(3) un air entrainant joué au psaltérion https://www.youtube.com/watch?v=76F6lUBXWrM
(4) Le bouquin de Baruch http://ekladata.com/PFnTA2OMAs4yLlsqdx5o3ZIpgSI/Spinoza-Traite-Theologico-Politique.pdf