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Les utopies

Francis Wolff est un professeur émérite, ex directeur de l'ENS Ulm en philosophie et auteur du merveilleux et détaillé "Pourquoi la Musique ? ", sa grande oeuvre. Il faudra en parler... 

Partisan de la corrida il est par ailleurs, et cela n'enlève rien à la complexité du monde, il reste un salopard de cochon cosmopolite taré dont l'effrayante connerie ignorant l'humanité est digne de son histoire personnelle: un enfoiré de soixante huitard, juif allemand, fédéraliste européen et totalement hors sol. 

Pourtant le monsieur classifie et a un esprit d'une clarté invraisemblable et pond les concepts avec une maestria reconnue de grand prof. Il n'en est pas moins ce qu'il est. 

Saluons tout de même sa géniale ontologie: il y a les choses qu'on voit, nous en faisons les images; les évènements qu'on vit, nous en faisons la musique;  les personnes que nous connaissons, nous en faisons les récits. 

D'abord il y a les anciens antiques et leur conception des animaux (zoein). L'homme se trouve classé entre les dieux et les animaux, rationnel ET mortel. 

Wolff avec ses "3 utopies contemporaines" (1) explique que notre âge de l'individu a abandonné ses utopies et n'en retient aujourd'hui que trois: 

1) le transhumanisme, utopie de la première personne: le "je"

2) l'animalisme, utopie de la deuxième personne, le "tu"

3) le cosmopolitisme (qui a la faveur du monsieur), le "nous", la justice. 

L'immense mérite de cette classification, comme celles de toutes les classifications, est de distinguer les 3 piliers du progressisme, ce  qui est en train de détruire l'occident. Situer entre les dieux (le transhumanisme) et les animaux (l'animalisme), et cela suivant la tradition grecque, l'homme cosmopolite est évidemment magnifiquement intelligent, mais on n'en attendait pas moins de cet homme là... 

 

Transhumanisme

Personnellement j'ai toujours eu un faible pour le "je", et mon transhumanisme, qui est celui de l'humain augmenté (et non pas celui de l'intelligence artificielle) par l'informatique continue de me stimuler. Simplement si on a inventé les prothèses mammaires, oculaires et auditives, c'est pour le bien de l'humain et on fait cela depuis longtemps. 

L'immortalité qui est évidemment impossible à obtenir et elle n'a de sens que sous forme d'un allongement de l'espérance de vie en bonne santé, elle-même maintenant en train de plafonner. La question n'est évidemment pas là, malgré les fausses descriptions. Même Wolff semble fasciné et comme sidéré par la prétention. La considérer comme "non souhaitable" est assez ridicule en fait, car l'impossibilité dénature le projet, qui n'est soit qu'une fausse espérance soit une pragmatique priorité technique exagérément couteuse. Surtout quand on en vient à sa réalisation effective, qui confond "vie" et "survie inconsciente". Les alzheimers au dernier degré pour lesquels on sacrifie nos économies sous ce prétexte lamentable montrent bien le danger de la confusion. 

Non, la recherche couteuse (et réservée aux riches) de la qualité prolongée de la vie a surtout des effets secondaires et il faut les explorer, le scandale du confinement covid n'étant que l'un d'entre eux. 

Parlons d'un eugénisme tout au long de la vie, contrôlé quantitativement et automatiquement, la prévention devenant fascisme; ou bien d'une exploitation massive d'organisme humains végétatifs, réserves d'organes variés et et avenir possible de certains délinquants (après un procès régulier bien sur).

Parlons d'une réduction très importante de la population environnant une caste de super riches, terriblement augmentés et vivant grâce à des robots. Ces "nations robotisées" peu nombreuses pourraient alors tenir tête à des ensembles humains indéterminés toujours sujets aux reproductions inorganisées et donc à la faiblesse militaire et sociale, le temps de leur transformation ou de leur disparition. 

Le "transhumanisme" est de toute façon porteur d'un clivage de l'humanité, cela est certain. Le refuser est suicidaire, on ne pourra que l'adapter à ses intérêts compris, et pas le considérer impur, car il est garant de puissance et donc de domination. Qui veut être un pur esclave ? 

Ce qu'on veut c'est une augmentation effective de la capacité de traitement de l'information par les humains et une fois passée la vague de vieux qui s'annonce aujourd'hui, mais qui n'aura qu'un temps, l'occident ne sera plus peuplé que de la fraction de l'espèce qui accepte de faire des enfants, c'est mécanique... Raison de plus pour qu'elle soit productive. 

Un point important: la robotique doit être développée (c'est pour cela qu'elle ne l'est pas en France, qui prévoit de les taxer) pour pallier l'immigration. L'opposition robot<->nègre est patente et il nous faut absolument la dépasser en faveur du robot. Cela est à portée. Le robot paiera nos retraites si on s'y prend bien. C'est la vision japonaise. 

Un autre point important absolument ignoré, voire nié par Wolff est l'open source. Le système en apparence cosmopolite de la production collective et publique des programmes, sur le modèle revendiqué par la science du XVIIIème siècle (des pairs qui s'engueulent par courrier à travers le monde) conduit à une technique mondialisée publique qui justifie l'expression "techno science". Selon le gout et les intérêts des humains (et non pas des entreprises) du bien commun est fabriqué en permanence tout en laissant la maitrise effective des objets produits aux gens assez malins et puissants pour maitriser cette production. Une élite se construit dans ces milieux et leur réputation acquise se monnaie déjà très très cher dans le privé. Quelle belle manière cosmopolite de concevoir les logiciels du futur ? De fait, un trou dans la trop claire classification.  

Note: il n'y a pas dans ces communautés de fanatiques patentés orientaux, MAIS des personnes hélas des deux autres utopies, la mode du geek chtarbé végéto qqchose est bien sur générale. 

Animalisme

L'animalisme est un idéal infiniment méprisable dont je voudrais ne pas parler, mais qui pourrait bien être la seule utopie vraiment populaire, tant la pratique de ce genre de choses est facile à accepter. Depuis le refus de la corrida jusqu'à l'interdiction des chiens (on a bien réussi à interdire leurs crottes) et l'acceptation de la sauvagerie en ville même, les errants de toutes espèces ayant bien le droit de se nourrir de nos ordures (on protège bien les ours blancs en goguette) 

La folie de cette recherche de valeurs non humanistes dans l'infra humain est patente et désolante mais se trouve considérée comme seule issue possible par beaucoup, le dégout de l'homme en général, blanc et chauve en particulier est la règle. Notons le coté proprement sexuel de ce dégout : il est celui de la femme devenue folle de son image véhiculée par les médias et qui ne veut plus s'accoupler à ce qu'elle estime indigne d'elle. Léda ne veut que son cygne, et l'animal devient la seule représentation acceptable du sexe mâle, depuis la licorne, la passion des petites filles pour les chevaux, les tigres blancs trop mignons, et bien sur le corps omniprésent de l'homme noir nu, image parfaite de cette transgression-là. 

 

Cosmopolitique

Nous en voilà alors à une variante (selon moi) de la précédente et qui consiste à considérer comme indistinctes toutes les personnes humaines et à se déclarer prêt à opérer leur fusion dans un gouvernement mondial absolu avec un minimum de subsidiarité. Tout est là. On peut y ajouter tout de même Kant, inspirateur de la chose. 

Voir une personne comme Francis Wolff (je ne peux m'empêcher d'admirer sans restrictions ou presque l'incroyable clarté d'expression qui émane de cet homme) agiter la main en trouvant suffisant de considérer gérable comme subsidiarité accessoire le concept de Nation absent de son système cognitif est absolument effarant... 

Pour lui, la question de l'identité associé à UN récit (quelque il soit) n'a pas de puissance, pas de valeur et pas d'existence réelle et structurante. Tout doit passer par la disparition ou l'oubli de ces récits et leur mélange indistinct et "à la carte" avec tous les autres. Les hommes et les cultures n'ont pas vocation à se distinguer par des institutions distinctes, et l'avenir du monde passe par leur effacement complet. 

Soutenu par Alain Policar (avec qui j'ai eu l'honneur de me fritter) et Raphel Glucksmann (le fécondateur de Léa Salamé) cette belle notion est pourtant débunkée par Wolff lui même. 

Assoiffé de droit, le solitaire individu moderne qui ne veut que se faire respecter sur tous les points possibles n'a plus d'utopies accessibles ou envisageables, et DONC se réfugie dans la seule possible: la généralisation à la planète entière de ces droits universels là. Tous les hommes étant égaux strictement, ils peuvent vivre où ils veulent, à moi les petits migrants isolés. 

Je me permettrais d'être en désaccord absolu avec cette thèse, pour moi insensée et absurde, et faisant fi de tout ce que l'on peut savoir, comprendre et vivre des relations avec les autres humains. Car il n'y a d'humain libre et doté de droits que dans un espace limité qui est celui de sa nation, qui ne peut avoir intérêt à protéger la liberté et à garantir des droits égaux pour tous que pour ceux qui "font partie" de son espace, cette appartenance étant ce qu'on appelle la fraternité. 

Toute extension démesurée, excessive ou sans raisons objectives de cet espace, ce qui détruit la fraternité, porte immédiatement atteinte aux droits et à la liberté de tous. La Nation est première et seule justifie l'Etat.

Cette conception moderne de la souveraineté possible fondée en droit des collectivités ne peut être ignorée ni remplacée, elle est la seule garantie du maintien de la paix globale. Car le national, qui fait des nations des individus en état de nature, ne pouvant se protéger que par des alliances de gré à gré et par la paix bien comprise entre agresseurs potentiels irréductibles n'a pas et n'aura jamais de super nation. Si c'était le cas, et bien il suffirait qu'une seule nation colérique veuille s'y soustraire pour la sécession créée suffise à détruire et à conquérir son voisinage trop vite libéré de la nécessité de rester autonome. La super nation n'est ainsi qu'un empire parmi d'autres, et alors que les nations peuvent s'entendre car elles doivent s'entendre, les empires, chacun à la recherche  de la domination universelle, ne peuvent que se mener des guerres sans fin. 

Cette nécessité de la discussion inter-nationale, qui peut conduire d'ailleurs à de vastes zones de libre échange, voire de partage d'infrastructures ou de libre circulation, est LE moteur de l'amitié entre les peuples, à rebours exactement de la vision du national guerrier acharné à haïr l'autre. Seul la calme sureté de son originalité et de son indépendance fait des peuples libres les coopérants libres et confiants des efforts planétaires collectifs. Seuls les accords confiants et libres de ce type peuvent persuader les autres vastes zone des aspects pacifiques et purement constructifs de ces efforts là. 

Tandis que les guerres d'alliances, impériales, acharnées à se partager le monde, voire à le vouloir tout entier ne mènent qu'aux désastres qu'on a vu.

Les guerres révolutionnaires, commencée au nom du "vive la Nation" de la république que les "impériaux" voulaient assassiner se termina par une coalition de tous contre un empire que personne, je dirais bien sur, ne pouvait supporter. Funeste idée que d'avoir en dix ans transformé une nation magnifique en empire impossible. Le stratège corse n'était qu'un rital vaniteux. 

Les guerres du XXème siècle ne furent pas nationales !!! A chaque fois, la funeste volonté de reconstruire l'empire de Charlemagne, obsession germanique sevrée d'état commun pendant mille ans fut le moteur de la haine et de la destruction. La France survécut en 14 par son nationalisme et mourut sans doute définitivement dans sa lâche acceptation d'un l'empire en 40. 

Laisser s'installer une administration impériale c'est vouloir terrifier et menacer et cela aura toujours les mêmes conséquences. La France a vu son empire colonial dissout et rongé par les nationalismes légitimes des peuples qu'elle prétendait civiliser: comment n'a-t-elle pas compris que l'Europe impériale reconstruira et d'ailleurs est en train de reconstruire devant nous la même haine terrible si elle ne prend pas de salutaires précautions ? 

Pourtant il y eu l'abée de Saint Pierre, l'inventeur de la paix perpétuelle, de la "Diète européenne", de l'Union Européenne et finalement du conseil européen de 1815. Inspirateur de Rousseau et de Kant il pourrait être le fondateur véritable d'un cosmopolitisme. Rousseau devrait vous faire dresser l'oreille: il inventa lui la nation moderne, émanation de la volonté générale, locale par définition... 

Parlons de Kant qui a lui aussi sa paix perpétuelle, citée abondamment par Wolff. Il a tout prévu: point de dette pour la guerre, et une fédération d'états libres. 

Tout est là: les nations sont dans l'état de nature, dans la guerre perpétuelle de tous contre tous, et il faut les en sortir. Il nous faut donc travailler sans relache pour la paix car tel est notre devoir. Kant ne fonde cependant pas une nation universelle, il n'y a pas "un seul" peuple: c'est le doux commerce qui aplanira les différents... 

On pensera à la Turquie, rejetée dans les ténèbres hors de l'Europe au nom de l'histoire, et qui viole pourtant un impératif de Kant: il faut des républiques et donc la séparation des pouvoirs pour que les nations s'allient. Les rets du juridique, déjà, au coeur des nations et la contrainte est mesurable, nous en faisons l'expérience. Cela vaut il mieux que la guerre ? Sans doute, au moins pour pleins de raisons. 

Ainsi, Kant le fédéraliste n'a pas pensé la nation, ni locale ni globale. Il oublie sans doute que les gouvernements sont d'abord ceux des princes et que certains d'entre eux se pensent eux surhumains: Erdogan, Xi Jinping sont des monstres nommés à vie et qui menacent le monde. Faut il vraiment renoncer à s'armer moralement et militairement pour détester ces fléaux ? 

Inventé par Diogène de Sinope, le cynique par excellence, le cosmopolitisme est  une doctrine christique à la grecque, antérieure au christianisme. Il faut bien comprendre qu'elle fut développée par les stoïciens. Il fallait un juif pour faire mieux. De manière intéressante, la pensée du "royaume" n'est pas un utopie politique de la part du christ historique: juste l'assurance de la fin du monde prochaine. Dans ces conditions, point besoin de nouvelle constitution. Un autre mystère divin que cette vision là, à mon sens bien plus sage. 

(1) https://www.youtube.com/watch?v=k3wVX1q_wUI

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