Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Les chrétiens

    Il fallait que je la fasse, celle là, mais le jeu de mot est ancien. 

    Que reste-t-il de la grande religion qui révolta Luther? Une marseillaise jouée sur les grande orgues, à Notre Dame un jour d'attentat ?

    On avait parlé de la ruine et la disparition de tout sentiment esthétique lié au symbolique en général. Il est bien entendu tout à fait certain que le religieux occidental a totalement rompu et depuis longtemps avec toute prétention sur ces sujets. Messes sentencieuses efféminées en langue vernaculaire, chants d'inspirations locales à l'imitation des touchantes chorégraphies africaines, invention de nouveaux rites à base de bougies, partout l'effrayant vide laissé la disparition soudaine (en un siècle) de deux mille ans de liturgies, fait horreur. 

    Le catholique, mais aussi le protestant, il ne faut pas se leurrer, le problème n'était pas là (en fait), disparait et a en fait déjà disparu. Pour confirmer mon racisme je dirais que le symptôme le plus éclatant en est la présence de prêtres africains à la manoeuvre dans les paroisses parisiennes. La crise des vocations dans le peuple chrétien, logiquement en charge d'engendrer au moins un curé de temps en temps, est tel qu'on n'en trouve même plus pour officier sous les voutes gothiques ou baroques des plus belles églises de France. Le culte, devenu impossible, nécessite une immigration de peuplement, heureusement stérile, je rigole.  

    Cette disparition visible et effective de toute pratique régulière, de tout véritable attachement populaire s'accompagne naturellement de scories variées et les enquêtes d'opinion (1) matérialisent la chose, mais cela ne change rien à l'affaire. 25 % des français seraient "engagés" (ce sont "les" catholiques) et 7 % d'entre eux pratiquent cela fait 1,8 % de la population. 

    Un gros clivage chez les catholiques: les migrants. A peu près à la moitié, on veut les accueillir tous, ce n'est pas mal. Sinon, on a quand même la moitié des cathos, à droite et au centre, réduits au mariage/baptême. 

    Au delà des différentes conceptions locales de son christianisme, il faut comprendre la nature de cette religion là, ce dont elle est porteuse, et ce qu'elle pourrait devenir. 

    D'abord, il faut comprendre et on sautera directement sur le train, que ce n'est pas à proprement parler une religion. Apparue relativement tardivement, l'Eglise n'est PAS celle du Christ historique, personnage mal connu dont les successeurs immédiats ont élaboré pendant un à deux siècles des pensées et conceptions variées totalement révolutionnaires pour leur époque et promises à un avenir considérable, mais sans fonder ni religion ni église. 

    On pourrait y inclure la gnose, mais le dieu inconnu gnostique, même porteur par son originalité du renouveau chrétien quand à la conception du divin, reste trop solitaire, trop je m'en foutiste pour correspondre à ce qu'est le dieu chrétien, porteur de toute éternité de son fils, c'est à dire d'une communication effective avec l'humanité. Car c'est là son originalité profonde, parfaitement paradoxale: le divin chrétien est humain et sur terre, à rebours complet des sécularisations sacrificielles. Jamais en fait, sauf chez les chamans les plus furieux, la présence divine n'a été aussi effective: incarnée et même, c'est un comble, mise à mort. Telle qu'il sort de la période gnostique, le très élaboré échafaudage chrétien, se dote finalement d'une théorie géniale incompréhensible, la trinité, mais aussi d'un clergé emperruqué à l'hébraïque, c'est à dire à l'égyptienne tradi, voir le chapeau des évêques, et pour finir prend l'empire. "Catholicos" veut dire "universel".

    Il est évidemment déjà trop tard, et la dissolution d'un ensemble qui s'écroule sous le poids des barbares à l'ouest semble sonner la fin de tout, en fait la création d'un monde de nations qui se déchirent 1500 ans. Bien sur il y eut Byzance, mais tout de même sur les mille ans de rab, quatr cents furent de la pure fiction, cadeau des mongols...  

    Car l'esprit des ethnies qui déferlent n'est pas impérial, en tout cas pas assez pour nous éviter la France, l'Angleterre et l'Espagne, sans parler à l'Est la Russie. Le Germanique empire, un temps géré par la trop molle Autriche, nous a finalement pété à la gueule récemment (1914-1945), et ce n'est pas peu de dire que la reconstitution carolingienne de la très fascinante Rome nous a couté très cher. Catholicos ? Oui mais pas en Europe.

    Inutile de gloser sur la tentative actuelle, qui faute de logique a déjà commencé à se ridiculiser, et pincez moi je rêve, a surtout profité à la partie germanique, on se demande pourquoi. La main broyée par Macron, la chancelière se soumet entièrement à lui, je rigole.

    La situation actuelle est donc une nouvelle fois à l'ère moderne, mais dans une configuration particulière, à une dissolution des nations fauteuses de guerre. Qu'en disent les chrétiens ? Ils s'en réjouissent. 

    Il y eut pourtant un certain temps identification du religieux au patriotique. Le moyen âge gallican (assez tôt en fait) fit de la foi un vecteur nationaliste, cela faisait combattre mieux. Malgré cela, le féodalisme barbare respectueux des coutumes, mais oublieux violent des principes fut à la fois très chrétien mais peu catholique à moins que ce ne soit l'inverse. Il ne se racheta pas avec l'échec des croisades qui consacra les rivalités entre puissances et l'échec absolu du projet politique chrétien de fraternité universelle, hélas. La construction des états européens à la fin du moyen âge acheva ce qui est l'histoire vraie du monde. 

    Il est ainsi paradoxal de voir que la conception d'humanité fraternelle, rangée sous les mêmes lois divines incarnées idéales, conçues sous l'empire à son apogée à l'époque où l'on croyait pouvoir tout dissoudre, aboutit dans un premier temps à la fragilisation universaliste d'un ensemble pluri-ethnique qui se lézardait, puis fut un instrument de récupération nationaliste du pouvoir de Dieu sur des ensembles de peuples soumis. Un échec, un échec absolu.

    Tout ça pour dire que l'apport proprement chrétien sur cette question doit être considéré historiquement comme nul, voire nuisible. On ne peut que se réjouir en fait de la relégation d'un religieux (qui par ailleurs se différenciait de ce point de vue du message originel, en fait d'une autre nature) à l'extérieur du vrai pouvoir par la sagesse barbare. Ecco avait souligné la capacité du moyen âge à séparer radicalement idéal chrétien et réalité violente de l'époque et à en tirer, et oui, une conception de la liberté particulière, source des évolutions ultérieures. 

    Il nous faut donc renoncer à attribuer au christianisme et à ses concepts une quelconque valeur politique, sociale ou humanitaire et c'est là où je veux en venir. L'être chrétien s'il était là, serait responsable ou contemporain de tant de malheurs inouïs que sa mauvaise presse devrait être infinie. Visionnaires furent les tortionnaires des martyres ! Quel malheur pour l'humanité qu'ils n'aient pas réussi à décourager cette infâme lèpre! Vite des lions et des taureaux, nous avons les blandines ! 

    Renoncer définitivement, car en fait le christianisme, et ses succès, et sa valeur ne sont pas là. Tout simplement. Ignorée par la tradition qui se sentait coupable et se contentait hypocritement et en silence de perpétuer les dominations traditionnelles en hochant la tête, et bien sur ignoré par les petites tentatives récentes de restaurer des évangélismes authentiques en remplaçant l'obligation de la messe par celui de l'accueil des migrants, le fait chrétien reste donc ce que nous en laisse le passé, un mystère, mais pas que. 

    Car il y a des pistes. De mon (humble) point de vue, je dirais qu'il se manifeste essentiellement par un sentiment de détachement absolu à l'égard de tout ce que les hommes considèrent important et qui ne l'est pas en réalité. Rites, vanités, vies, morts, il n'y a rien qui ne s'arrête à un quelconque sacré, à un quelconque respect, sachant que l'irrémédiable profanation a été accomplie, et une fois pour toutes. L'essentiel est la liberté absolue donnée aux hommes, ce qu'on appelle le "salut", de faire ce qu'il veulent en se respectant (on parle métaphoriquement d'"amour") mutuellement. Là est la libération totale, qui inclut, pour une raison métaphorique mystérieuse, la mort elle même, celle ci, comme obsession et unique image du futur étant défaite elle aussi et c'est Dieu lui même qui le prouve.  

    Et ce n'est pas le libérateur sauveur des hommes qui va leur dire ou leur faire dire ce qu'ils doivent penser ou dire: démerdez vous mais vous êtes tous pareils, voilà le message ! 

    A partir de là, on peut imaginer, voire concevoir, l'impensable: la libération de l'objet G lui même et de toutes les nécessités qu'on voudrait lui voir associer. Dieu est mort, merci petit Jésus! 

    On pourrait alors rebondir sur les nations, identifiées aux "ethnos", "goyim", "gentils" et autre terme méprisant pour désigner au pluriel les autres, et bien pourrions nous y trouver un sens universel, précisément ? Libéré pour toujours du fallacieux prétexte de faire un royaume, ce dont se foutait complètement le christianisme originel, persuadé d'une parousie immédiate, on pourrait alors tous autant que nous sommes nous organiser ensemble, non pas "tous", mais tous regroupés suivant nos gouts, sachant que l'universel ne peut être que parousique et sera le point final auquel aboutiront les nations enfin toutes chrétiennes, précisément. 

    Surtout que l'on prêcha aux "nations" et que Paul fut leur apôtre: la chrétienté organisa donc la défaite de l'Empire au nom des nations et cela explique bien des choses. Chacune d'entre elle, sans se convertir à un nouveau judaïsme, pouvait se sauver en restant non circoncise, préservée dans son être mais convertie à l'essentiel. 

    Cette structure mathématique de la fin du monde, en l'occurrence réalisée quand tous les sous-ensembles (dont on vient de prouver l'existence) seront "ok", préexiste au monde à l'évidence et ne peut sans disparaitre ne pas se préserver individuellement. Le nationalisme du chrétien est donc un devoir: il se doit de protéger les embryons de perfection contre les méchants, et les laisser au diable est grand péché.

    Inventeur de cette évidence, le barbare récemment converti que je suis sait bien d'où il vient et la vraie nature de l'effroyable envie de ceux qui ne le sont pas encore (convertis). Il sera donc d'autant plus cruel, ce qu'il doit préserver est plus qu'une civilisation: une fin du monde acceptable, infiniment plus que tous les ragnarök que nous amènent les barbaries dont on sait bien (on les a rejetées soi même) qu'elles ne valent rien. 

    (1) http://www.pelerin.com/A-la-une/Qui-sont-vraiment-les-catholiques