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  • Les communs

    A l'occasion d'une réflexion intéressante (bien que déconnante) (1) d'un homme sincère, plein du souci de l'humanité et finalement émouvant, et aussi lucide de manière surprenante, on se donne le droit de gloser sur les questions qu'il pose et qui sont très profondes et aussi très difficiles. 

    D'abord une considération générale sur la brutalité du monde médiatique et internétatique. Au passage, il faudra bien trouver un mot en tique pour désigner ce qui est bien un nouveau média, voire un nouveau (et jusquelà inconnu) mode d'expression. Désigné par le mot "les réseaux sociaux", il est le monde d'expression publique à caractère principalement anonyme que rend possible le Web en général, twitter et hautetfort compris. Distinct du simplement médiatique, car purement expressif des individus, il est ce fameux nouveau monde dont Eric Sadin est spécialiste et dont l'importance dans le façonnage d'une nouvelle intériorité des humains est aujourd'hui décisive. 

    La surveillance

    Tout d'abord Sadin en 2009 évoquait la société de surveillance généralisée qu'était devenu l'Internet. C'était avant Snowden et l'intuition était particulièrement justifiée: un état, les états unis d'Amérique, avec l'assentiment de ses plus hauts dirigeants, avait mis en oeuvre délibérément un espionnage généralisé des personnes et des institutions en truquant et détournant sous le sceau du secret toutes les intimités du réseau des réseaux, y compris celle du chancelier de l'Allemagne fédérale dont on espionna les conversations. Les clés de chiffrement furent affaiblies, les programmes que tout le monde croyaient sûrs modifiés par la bande, les protocoles espionnés et détournés, les mails interceptés. Tout fut bon pour rendre transparent à un état les secrets généraux de la correspondance. Cela servit d'abord la lutte anti terroriste, mais pas que. 

    Alors que l'on est sur, après la révélation Snowden, que les principes fondamentaux du chiffrement des communications est resté intact (le fameux chiffre à clé publique), on sait qu'une gamme infinie de truquages variés est disponible pour détourner et espionner les échanges sur l'Internet, et que les US sont à fond dans son exploitation sans limites, en profitant outrageusement de son prestige et de sa domination technique. 

    De fait, toutes les préventions que pouvaient avoir à l'égard de l'Internet les vieux réacs du minitel à la grande époque se sont révélés vraies: recevoir un mail peut infester votre PC et cela fut fait massivement pendant toute une période, des méthodes de chiffrement (symétriques) largement utilisées étaient cassées et cela fut utilisé massivement pendant toute une période, des failles informatiques des logiciels et machines furent exploitées sans les divulguer par la NSA pendant toute une période etc etc. L'Internet ETAIT une astuce ricaine pour espionner le monde.

    De fait, l'exploitation du monde par les US fut réelle et complète pendant toutes les années 2000, et on se demande par quelle négligence coupable la CIA et la NSA ne purent empêcher le 911, à croire à un complot ourdi par eux mêmes ! Par contre il est sûr que la réaction fut violente: tout fut mis en oeuvre depuis pour que les USA puisse tout savoir de ce qui se passe sur l'Internet, SA chose. 

    Les conséquences ultimes de cela, par delà l'espionnage caché et bien sur l'espionnage public: tous les échanges sont archivés, et la gratuité des communications et des stockages s'accompagne de leurs exploitations sans vergogne ni limites par les opérateurs techniques pour des fins variés, depuis la publicité (bien sur) jusqu'au reste, tout ce qui peut se vendre sera vendu et tout ce qui est exploitable sera exploité. 

    En Chine, où les choses sont plus claires, on en est au "crédit social", ou archivage officiel des comportements sur le site global de la police non de la pensée mais des attitudes, ce qui revient de fait au même... 

    Pour les fondus de facebook ou de twitter en panique si on leur suspend leur compte, la chose est en fait strictement équivalente, et on en vient à ce que décrit Sadin, et qui nous concerne nous. 

    La brutalisation internétatique

    Sadin parle de brutalisation des rapports sociaux (internétatiques surtout, mais pas que). Au passage, et c'est ce qui le caractérise, il détruit des idées reçues. Ce n'est pas le retour des années 30 et du populisme dont il faut s'inquiéter, c'est du contraire strict: une extrême individualisation des points de vue et de leurs expressions, toujours exprimées du point de vue du solitaire révolté par l'injustice du monde, dont il est le seul à se faire l'écho et à ressentir la vérité. Prends ça Carmignola ! 

    Cela va jusqu'au refus systématique de toute parole publique, y compris celle des partis dit "populistes" réduit au silence et déconsidérés. Bien sur les gilets jaunes sont passés par là. Sur les rond-points y a-t-il eu une fraternité, ou du "commun" ? Oui, brièvement, mais sans lendemain et la majorité de la population s'en est détourné, achetée par quelques avantages et surtout dégoutée par l'odeur des merguez... 

    La pratique numérique a fait la protestation et aussi sa limite, voilà la thèse: l'individu libéral, nouvel homme pendant de celui du communisme est maintenant advenu. Privé de tout discours d'action car l'action n'est que collective et d'abord symbolique, l'individu ne peut que s'exprimer avec violence, c'est la seule manière de hausser le ton. Voilà ma condition, partout, tout le temps. En gros: il ne peut y avoir d'action collective via les écrans. La collectivité de l'autre coté des écrans peut et doit devenir tout aussi violente pour se maintenir. Le monde se brutalise de toutes parts. L'individualisme mène au fascisme, c'est d'ailleurs ce qu'il souhaite. 

    On pense à ces bons esprits, révoltés par les voitures incendiées du fait des gilets jaunes qui appellaient à tirer sur la foule... 

    Socialisme

    Sadin évoque alors longuement le socialisme et tout son appareillage : depuis la CNR de 44, chargée de réparer par a sécurité sociale le peuple abimé des années 30 qui donna le nazisme et la collaboration, jusqu'au néo libéralisme des années 80 qui détruisit tout, l'espérance de 81 massacrée en 83 (l'évènement est fondateur) puis répétée en 2012 et massacrée la même année... Tout y passe. 

    Au passage il décrit l'émouvant sentimentalisme, tout à fait réel, mais bien sur navrant qui a présidé aux choix de Mitterand et de Hollande. Un imaginaire frelaté qui avait pourri et s'était nécrosé depuis 1936 et qui ne mourut vraiment qu'en 2017 avec l'élection de Macron... À pleurer. Que dire ? Qu'il n'est qu'un songe creux misérable basé sur la dégénérescence chrétienne du début du siècle et l'horrible XIXème sciècle décrit par Muray. Qu'il repose sur un malentendu anthropologique et spirituel au sujet de l'égalité (symbolique et non pas matérielle), de la liberté (qui est aussi celle d'être pauvre) et de la fraternité (qui ne peut être que nationale). Être de gauche c'est être un contresens vivant. 

    Pourtant le gentil Sadin ne voit pas autre chose et sa vision désespérée de la fin du monde commun pourtant effective, il ne peut pas l'interpréter comme la fin de la décomposition de son propre monde. Car c'est bien la gauche qui a abandonné le commun, faute d'avoir eu le communisme... Désespérés par la faillite inévitable, annoncée et souhaitée de tous ses idéaux lamentables de totalitarisme partageur, incapable d'accepter une pauvreté relative inévitable, elle préféra se suicider dans la haine et le ressentiment. La violence actuelle n'est plus la haine fasciste des juifs apatrides, mais la haine progressiste contre les sionistes, les derniers nationalistes... 

    Tout montre la haine du monde qu'entretient et développe la fureur de la gauche décomposée et atomisée: haine du progrès, de l'industrie, du sexe, des religions, de la vie même ! Au nom d'une conception non pensée et absurde de la santé, elle tue son économie et on trouve des articles qui se réjouissent de la fin des chemtrails et de la réduction des émissions de CO2 dues au confinement. Macron dernier gauchiste ? Et oui. 

    Par ailleurs le diagnostic du mal fait par Sadin EST réel: oui la santé numérisée et encadrée dans des méthodologies fausses basées sur des modèles informatiques absurdes est débile et fait disparaitre l'essentiel qui est le soin. Oui, les "réseaux sociaux" alimentent cette fureur et en fait montrent l'étendue de la soumission entretenue à la stupidité des conseils débiles: mettez des masques à vos enfants quand vous les embrassez le soir.

    Empêché de voir les lèvres de leur nourrices masquées, les bébés de l'année 2020 deviendront fous ou nazis, en tout cas en grande partie idiots et furieux. Ils exigeront un dédommagement. 

    On en vient alors au remède proposé par Sadin: la mémoire blessée et son esprit abruti par le confinement fut réceptif au scandale de la mort de Georges Floyd, le délinquant drogué à mort qui fit une overdose sous le genou d'un policier qu'il connaissait en scandant le slogan covid par excellence: "I cant breathe", celui qui marqua la fin désespérée des obèses et des diabétiques non traités qui passèrent l'arme à gauche pendant la période sans diminuer vraiment l'espérance de vie globale des populations. L'Occident est malade, cela est sur, mais la mémoire des noirs anciens esclaves qui se réveillent 2 siècle après pour reprocher à leurs libérateurs de s'être rendu compte de leur misérable état est signe d'une pathologie bien plus grave...

    Sadin infecté par la peur des banlieues en révolte, excitées par les réseaux sociaux ? Il est prêt à lâcher du lest en tout cas, et cela est un peu lamentable, mais bon. Le mal est réel et l'incapacité des blancs à s'imposer avec autorité à toute cette merde est inquiétante. On ne retiendra que l'inquiétude, mais avec l'envie de la cogner, toutefois. 

    Car la réparation ne doit pas avoir lieu et ne sera jamais le fait des hommes: c'est aux victimes des injustices passées de se démerder avec leur rancoeur qu'ils doivent dépasser pour accéder à leur vérité. 

    Cette conception simple fut décrite par les philosophes chrétiens en plein milieu de l'antiquité finissante: par la négation et le dépassements des lois juives et des dieux impériaux romains fait en faveur d'un vrai futur, qui créait, c'est la grande invention, des hommes "nouveaux" car conscients d'une autre chose que leur sordide merde ancestrale de victimes soit disant éternelles. La réparation sera "au ciel", et le christianisme naïf des noirs américains dans leurs gospels folklos est exactement cela. A mille lieux des lamentables demandes de subventions des associations noires infectées par la connerie et le rap merdique décérébré. 

    Ce point de vue est même exprimé depuis l'intérieur de l'église, par des contempteurs éclairés et très intelligents du progressisme naïf du pape actuel et consorts (2). Comme quoi c'est possible, sans rien retirer aux victimes de toutes les sortes. Cela peut de plus être affirmé encore une fois "virilement" c'est à dire sans détour avec une grande puissance de conviction, celle des pères de l'église, et donc de l'un des premiers d'entre eux, Justin (3). 

    Il reste que la conception générale progressiste en vigueur exclut tout à fait à l'heure actuelle de penser cette séparation d'avec cette partie du monde à la fois déjà là et à venir (...). Rien ne peut éthiquement être accepté qui ne soit pas la reconnaissance de la liberté et de la souffrance de ces humains là et la virilité que j'évoque avec admiration est absolument minoritaire, inaudible et impensée. 

    Ne peut jouer son rôle qu'une violence encore implicite et la crainte ou le souhait de violences effroyables, seul horizon envisagé on vient de le voir... 

    Humanité

    Il y a dans l'expression de ces points de vue, des caractéristiques incontournables et qui sont liées à l'acceptation ou au refus du monde et à l'articulation entre deux attitudes pensées à la fois nécessaires et inévitables. 

    Le monde accepté futur des humains qu'on ne peut qu'accueillir avec tous leurs défauts et donc avec leur religions et leurs degrés de réflexion vaut acceptation et refus. Acceptation du fait, et refus de ses conséquences inévitables, qui est la violence qu'il peut manifester et à quoi on dit à l'avance ne pas vouloir s'opposer : cela revient à l'accepter et à l'inclure. L'idée est plaisante: au nom du refus de la violence on accepte celle des autres et tout le paradoxe pacifiste est là. Il nous ronge et nous ne faisons rien. 

    Un camp de réfugiés sous tente est en voie de croissance à Saint Denis aux frontières de Paris. Supportable, il est supporté. 

    (1) Eric Sadin Thinkerview Octobre 2020 https://www.thinkerview.com/eric-sadin-la-fin-dun-monde-commun/

    (2) Capelle-Dumont: l'église "strikes back" : https://www.causeur.fr/philippe-capelle-dumont-eglise-186461

    (3) Justin: le premier philosophe chrétien et apologètiste: https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1988_num_62_4_3104