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  • Les morts

    Alors que s'achève une période mortelle pour beaucoup, pour pas tellement en fait, mais tout de même: 35 à 40 000 personnes en deux mois sont morts d'une maladie pénible qui consiste à ne plus pouvoir respirer, et bien on peut réfléchir sur ce que c'est que la mort. 

    La Peste, Camus: 

    « Après tout…, reprit le docteur, et il hésita encore, regardant Tarrou avec attention, c’est une chose qu’un homme comme vous peut comprendre, n’est-ce pas, mais puisque l’ordre du monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croie pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers ce ciel où il se tait. »

    « – Oui, approuva Tarrou, je peux comprendre. Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilà tout. »

    « Rieux parut s’assombrir.
    – Toujours, je le sais. Ce n’est pas une raison pour cesser de lutter.
    – Non, ce n’est pas une raison. Mais j’imagine alors ce que doit être cette peste pour vous.
    – Oui, dit Rieux. Une interminable défaite. »

    La Peste,  Camus

    « Non, mon père, dit-il. Je me fais une autre idée de l’amour. Et je refuserai jusqu’à la mort d’aimer cette création où des enfants sont torturés. »

     

    « Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici, pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, »

     

    Tout est là: la révolte contre la mort, la "guerre" contre la mort, le Dieu absent qu'on évoque quand même. Le XXème siècle, quoi et le sentiment moral qui en découle, celui de Camus et de tous les autres, l'absurde et lamentable dégueuli lâche et aveugle qui renonce à tout le passé, à toute l'histoire au nom d'une conception pourrie et veule du progrès. Quelle plus belle définition du progressisme: la "guerre à la mort"... 

    Soumise à la peste comme tragédie, la saloperie esclave de la religion de l'avenir en fait donc une signification. Cela est typique du "truc" de Camus (l'Etranger et le reste reposent sur ce paradoxe, c'est ce qui l'a fait vendre). On en sort encore plus réconforté: soumis à l'absurde inévitable, on se branle avec sa tristesse, cela fait profond d'autant plus qu'on ne lui échappe pas. Etranglé dans les années cinquante par son conflit avec l'abomination communiste (personne ne s'étant battu contre le nazisme), le brillant philosophe et ses copains de cette époque engendrèrent les looseurs de la fin du XXème siècle, ma génération, qui finit de ruiner son pays dans une ultime "guerre à la mort" qui se révèle n'être qu'un suicide organisé, de ses vieux et de son économie.

    D'abord, la mort est inéluctable et ses circonstances une partie de la vie de ses témoins. Jeune ou vieux, quoiqu'on ait vécu, rien dans l'être de ceux qui la vivent n'est vraiment en rupture avec elle, au contraire, ils ne sont que pour finir comme cela et sans sombrer dans le gothique, l'horreur de la mort n'est rien moins que ridicule et fausse. L'horreur c'est de l'attendre ou de la craindre ou d'en être triste, rien à voir avec ce qu'elle est vraiment et de comment elle apparait ou plutôt disparait. Car elle est d'abord disparition.

    Bien sur il y a les encombrants cadavres, et peut être sont ils de manière décisive ce qui est sans doute le plus gênant dans la chose. Remarquons que le mort s'en fout, et l'horreur de la mort est toute entière transférée comme par magie, instantanément, dans l'oeil du témoin, désormais dépositaire de tout ce qui reste: l'image du visage d'un mort, image qui disparait d'ailleurs aussi, comme toutes les autres. Rien de bien grave, à part ces fourgons qui vont au cimetière sans être suivi (c'est trop loin il y aura des embouteillages, et on a faim et soif aussi) et bien sur cette interdiction bien vue et bien sentie des enterrements en période d'épidémie. Les 500 000 urnes funéraires des chinois ne furent livrées que plus tard, comme nos masques... 

    La première chose est qu'on ne fait pas la guerre à la mort mais aux vivants, pour leur imposer notre volonté méchante. Que pour cela on n'hésite pas à tuer et cela de la manière la plus violente possible: visages explosés, corps brûlés longuement,  membres arrachés, castrations variées: voilà nos actions et y renoncer c'est être esclave et accepter d'obéir à bien pire dans l'autre sens. Faire la guerre à ça est évidemment un non sens et l'homme "qui s'empêche" slogan de l'anti communiste, seule alternative à la révolution implacable qui elle ne s'embarrassait pas de ce genre de détails, a tout oublié de l'ancienne sagesse de la mort, qui elle l'avait maitrisée: s'empêcher, c'est être pacifiste, soumis à la violence, par peur de la mort, celle qu'on ne veut pas donner, celle qu'on ne veut pas subir et qu'on nie de toutes ses forces, la force c'est fait pour ça: subir.

    Sortie de la gauche, la logique progressiste nie le coté charnel et violent de la vie humaine et au nom d'une éthique dévoyée, celle qui avait acceptée sans rien dire la domination nazie au nom de la nécessité de vivre des goys, puis justifié au nom de la misère sociale la barbarie communiste, et qui s'est mise à refuser la mort, son existence même, au nom d'un fatalisme horrifié, au nom d'un déni enfantin et terrifié.  

    Au point d'applaudir tous les soirs les viandards impuissants qui ont entubé à tour de bras (les destructions de trachées fragiles sont irréversibles et mortelles dans 50 % des cas) de pauvres vieux qu'on n'avait ni testé ni soigné sans parler de leur soignants qui les avaient torché les mains sales au nom de la science. 

    La mort n'est rien en soi, et certainement pas l'horrible, injuste, ou insupportable (pourquoi pas "invivable"?) limite de la vie. Elle se pense comme existante, et sans doute nécessaire, et respectable et possible. Elle est soulagement, entrée dans un autre monde, au moins celui du souvenir du mort, bref elle n'a pas à être sujet de révolte en tant que telle. Ce sont les circonstances de la mort, son environnement, le nôtre, celui des vivants qui peut révolter ou enthousiasmer, pas l'évènement inéluctable ponctuel que la connerie progressiste idolâtre comme signification limite, la seule que le crétin inculte puisse concevoir: le caniche "souffre" de l'inaction du dispensateur de croquettes mort, avant de lui dévorer le bas ventre. 

    Cette signification donnée à la mort par notre époque est une infamie bizarre toute de contradictions en forme de dénis variés. Comme évènement injuste on retiendra la technologie: quelle malchance de mourir avant qu'on ait trouvé le vaccin ! Et aussi le mépris des vieux: moi jeune je vivrais la découverte. Et puis tous ceux qui nient l'avancée à venir: ils ne la méritent pas et on les punit de mort. Surtout qu'il y a plusieurs façons de la nier: le manque d'exercice, l'obésité, sont autant de crimes punis de la mort dont la cause est toujours celle d'une culpabilité. Le péché dévoyé des progressistes est ainsi récompensé. Mais il y a la suite, car la mort est toujours échec, et le réel ne peut pas être nié, juste oublié ou réinterprété. On oublie donc les enterrements, on l'a dit, ou on l'interprète, comme un nombre qui désangoisse, et qui est orchestré en messe journalière: d'abord les morts ensuite les applaudissements. Sinistre et macabre cérémonie de l'atroce religion qui a détruit tout l'honneur d'un pays... 

    Pour finir, le mort se met à exister par une autre mort, celle de la veuve, qu'on sacrifie et avec toute la famille. Ici il s'agit de l'ignoble capitalisme, et de la pollution qu'on détruit en même temps que nous même:  misère pour tous, ruine et destruction de tous les projets, de tout ce qui restait de ...vie. 

    La Peste est rempli du prêtre, et de sa foi, celle que refuse le docteur au nom de la souffrance insupportable, incompatible selon lui avec le Dieu qui tout puissant ne fait rien, et donc n'existe pas. Ce point nodal de l'autocontradiction lamentable (on insulte le dieu qu'on punit en n'y croyant plus car il ne soulage pas du mal) est un grand truc de Camus et du monde moderne. Ca fait moderne et justifie l'abandon du catholicisme, ça fait CFDT, celui qui a réfléchi sur la vie. Merdique sentiment débile de crétin ! 

    Dieu n'existe pas comme force surnaturelle et ne peut s'opposer en rien ni à l'écrasement des mouches ni au lynchage des bourreaux nazis, ni non plus aux chtis "nenfants" (comme si l'enfant mort méritait plus que le vieillard mort) écrasés contre les murs. On commence comme ça. Donc le regret des souffrances ne peut plus passer par là. Et si on est croyant, s'opposer à Dieu au nom de cette inaction même est un blasphème enfantin (ou gateux) qui nie sa toute puissance: bien sur qu'il le fait exprès et le mystère du surnaturel devant être arbitré par le con, pêcheur en plus, qu'est ce que vous en faites ? De bout en bout, ce qui reste dans les crânes de ces abrutis après leur formation religieuse ratée est d'un vulgaire et d'une connerie, je vous dis pas. 

    Par contre, coté sacrifice revenchard, on se pose là: la mort de ces vieux doit, au moins en principe, être évitée. Alors on sacrifie ce monde injuste au cruel dieu des enfers: par un potlatch magnifique et inutile on détruit le monde entier pour faire semblant d'agir alors qu'on ne fait rien à part laisser mourir... Incapable de laisser mourir vraiment, et aussi de s'organiser pour éviter vraiment la contagion en fait faire les deux ce qui la seule attitude virile possible aux âmes bien nées, et on fait l'inverse: la non action suicidaire. Comme si on voulait mourir aussi, pour ne pas voir... 

    Toute la tradition musicale et culturelle européenne qui a fondé notre monde est une réflexion sur la mort et ses qualités et sa vraie tristesse plus l'espoir fou fondateur d'une refondation du monde basée sur sa défaite finale, avec l'espoir d'un futur ou tout revivrait et des connards couverts de dégueulis viennent t'expliquer qu'ils ont compris le monde : nous sommes seuls,  c'est trop injuste ? 

    Qui parle des 10000  (au moins) pauvres vieux ou obèses timides trop flemmards pour aller faire la queue aux urgences qui se sont mis à mal respirer et qui sont morts chez eux sans rien dire, sans être ni consolé, ni entubé ni compté ? Qu'ont ils pensé ou souffert ou maudit pendant leur chtite agonie au doliprane ? Rien d'intéressant pour les humanitaires et les incapables qui n'organisèrent en rien ni leur protection ni celle de leurs enfants, maintenant au chômage. 

    Et tout à l'avenant: on peut imaginer que les instants qui précèdent le passage au rien font partie de la vie et il est sur que goinfré du fameux rivotril (autorisé et bon, contrairement à la chloroquine, interdite et mauvaise) et donc déjà dans les vapes le mourant peut penser à l'avenir: il en a eu le loisir dans les instants qui ont précédé l'absorbtion du cacheton, date effective de son départ du monde. Les moyenâgeux, connaisseurs de la torture,  retardaient au maximum, quitte à souffrir un peu, la perte du sens de la vie: cela jouait dans les combats, dans les agonies interminables, dans les morts en couches qui n'en finissaient plus. Nous n'avons plus ce souci: l'abrutissement ordinaire est tel qu'il doit être un culte jusqu'au bout. Et puis après dix ans d'altzheimer à penser et dire n'importe quoi, qu'importe finalement la mort terminale ? Qu'aura-t-on gardé ? Une petite étincelle de conscience, réelle quoiqu'on en dise, cela est certain. Raison de plus pour ne pas en faire une chose et donc accepter qu'elle disparaisse, comme cette chose qui s'appelle la vie et dont la valeur ne serait rien si elle durait toujours. 

    Comparons les cultures: la grande culture littéraire française, le Camus révéré fondateur de la conscience moderne, mort dans un accident de voiture (a-t-il souffert ? ), le parangon de la conscience spirituelle des hommes d'aujourd'hui avec ses petits cris aigus de révolte contre la mort. Les crétins incultes dégénérés qui n'ont que ça à se mettre dans le cul ont-ils ne serait ce que dix minutes tenté de comprendre la grandeur d'un texte de Luther mis en musique par qui vous savez ? 

    Den Tod niemand zwingen kunnt
    Nul ne peut contraindre la mort
    Bei allen Menschenkindern,
    Parmi le genre humain,
    Das macht' alles unsre Sünd,
    La faute en revient seulement à nos péchés,
    Kein Unschuld war zu finden.
    Il n'existait pas d'innocents.

    Davon kam der Tod so bald
    C'est pourquoi la mort fut si prompte
    Und nahm über uns Gewalt,
    À s'emparer de nous
    Hielt uns in seinem Reich gefangen.
    Et à nous retenir captifs dans son empire.

    Et en plus, le rythme lent est plaisant et il y en a 7 des couplets  comme ça ! Jouissez de la mort pour rien de nos vieux abandonnés mais pensez à eux, il ne leur reste que ça et nous serons bientôt comme eux. 

  • Les Frances

    Admirable et passionnant débat entre deux juifs dont Finkie a raison à la fin de proclamer les irréductibles divergences. Ces divergences sont française ET juives et cela n'en est que plus intéressant. 

    D'abord, on va y aller carrément, le mot étant prononcé et disputé par les deux protagonistes, il y aurait un "franco-judaïsme", cette passion des juifs français qui est d'identifier, quelque part, la France à la nation de la promesse messianique, l'exact inverse réciproque de la jalousie moyenâgeuse française envers l'Israël nation idéale: émancipé par la révolution ou admirateur migrant car soumis au pogromes, le juif voit dans la France la seule nation possible; c'était avant l'Israël du XXème siècle dit Finkie, qui est le pays de l'hubris de 67 dit Zemmour. 

    Revenons au franco judaïsme, il est clé et magnifiquement isolé, tel le virus(héhé). Il est celui du juif sans nation, aujourd'hui oublié, mais qui se dévoua corps et âme à celles qu'il habitait, France et Allemagne avec les déceptions du début du XXème siècle et au combien. Belle ambition, mais elle suscita un rejet à sa hauteur. Car ni en France ni en Allemagne elle ne se priva d'un égoïsme à la fois compréhensible et d'intensité variable. 

    Pressé dans un monde moderne et médiatique qui existait avant la guerre, tu parles, il s'y constitua, le sentiment national fut fragilisé partout par un modernisme encouragé par le xxx-judaïsme, et cela aussi en Allemagne. Ce qui fait que le bien connu sentiment de dépossession de soi que cherchent à recycler nos post heideggeriens (je pense à Finkie et à tous les réacs, Rappin compris) est en fait peu ou prou ce qui fut théorisé sous le nom d'antisémitisme avant la deuxième guerre mondiale. Dans toutes ses nuances, dans toutes ses acceptions dont certaines furent gaullistes d'ailleurs et aussi bien sur mitterandistes, toutes les personnes qui ont vécu à cette époque en sont porteur sains ou non. Vous voyez ce qu'est un virus? C'est pareil. 

    La "youtrerie" dénoncée par Rebatet est là et le progressisme actuel n'en donne qu'une faible idée: la dissolution dans un idéal à la fois ultra moderne (on s'abstrait des traditions) et ultra traditionnel (on ne garde comme tradition que la seule qui vaille, la circoncision) fut mal perçu ET perçu hélas. Ce deux poids deux mesures est ce qui justifia un sentiment aujourd'hui inconnu et répandu partout. On y sacrifia contre nos traditions un nombre excessif d'innocents, Zemmour considéra qu'on a surtout sauvé les autres, au point d'ailleurs de laisser entendre que ce fut là la fonction de Vichy...  

    Zemmour se situe dans un franco judaïsme assimilationniste forcené qu'il veut généraliser et reproche à Finkie son tropisme sioniste (le français est un langue à calembours). Cela face à l'autre menace, celle d'un fascisme islamiste, celui là sur  notre sol. Les deux font la leçon à la France au nom de ses traditions, et ce qui est en quelque sorte un comble, car il y a ici deux manières de le faire... 

    On passera sur la position de Finkie, nationaliste conseiller des nations, qui est de la sienne, spirituelle, tout en étant patriote français et porteur de cette idée inversée d'Israël comme modèle pour les nations, justement, l'enracinement nécessaire étant porté par ce qui le déracine de la France. Admirable destin paradoxal, à nouveau que cet homme conspué comme sioniste par les nouveaux arrivants qui le haïssent pour des raisons opposées ! 

    Faut il être logique pour avoir abandonné son pays, ne pas s'assimiler dans son nouveau et mener pour le compte d'autres pays, une guerre contre un autre au prétexte qu'il serait envahisseur et surtout habité par ceux qu'on a chassé de sa zone d'origine ? L'effroyable cauchemar identitaire d'une immigration perdue, rongée par les pires démons de la connerie la plus effroyable ne peut que promettre à l'enfer, ou à la guerre civile des êtres perdus qui, nous parlons de la France, ne nous sont rien. Non pas comme les juifs autrefois, cachés secrètement au coeur de nous même et voulant nous changer de l'intérieur, mais installés sur notre sol, avec leur déguisements et leurs visages reconnaissables (on peut gloser sur les gueules, Bennatar nous le dit assez), par exemple le jeune salopard à l'accent haïssable qui par lâcheté, s'excuse d'avoir craché sur Zemmour en le niant bien sur. Est il de France, l'émouvant désaccord avec Zemmour qui s'est exprimé deux fois dans deux sens différents sur un réseau social ? Fermons le banc, ces gens doivent partir, ils ne nous sont rien. Bon ça c'est fait.

    Tous les deux parlent de la France en regrettant quelque chose, l'un la vieille culture livresque l'autre la vieille puissance. On parle alors de cette France féminine (Zemmour dénonce assez le féminisme du XVIIIème siècle battu en brèche par la révolution machiste) et littéraire, le sentiment littéraire effectivement animant cette France du roman, et c'est sans doute la même, le roman étant courtois, inventé pour les femmes au moyen âge. La France ? Une femme nerveuse, et on ne le sait que trop, à la fois robuste et superficielle, sentimentale et cynique, le coté "femme" de la France satisfait effectivement à tous les poncifs connus sur la question. 

    On notera contre Zemmour que la dévirilisation de l'aristocratie est en fait venue de la création de la cour, Louis XIV ayant du castrer la féodalité au nom de l'état qu'il voulut construire, avec certes du succès mais au prix de bien des erreurs funestes, dont la mise en orbite de l'Angleterre, et du fait des grands bourgeois rationnels artistes et administrateurs, de la ruine du pouvoir à terme des rois. Fut ce une erreur ? Et bien oui, me voilà royaliste désolé que les lamentables coucheries d'un grand roi nègre et de son arrière petit fils aient effectivement vérolé le respect qu'un grand peuple doit vouer à ses chefs. 

    Parlons de Dreyfus. Zemmour adopte ici le point de vue de la vieille droite, la lutte pour l'innocence de Dreyfus aurait donc bien affaibli l'armée, faible en 14. Son état major vérolé, on l'avait vu avec l'affaire aurait il baissé la garde après la réhabilitation du capitaine, d'ailleurs héros de 14, il faut le savoir et le dire ? Le pantalon resta garance et les morts furent nombreux. Pourtant, et Finkie le rappelle, la plus belle des thèses est celle de Polanski: le commandant Picquart normalement antisémite mais soumis à la vérité garantit le juste sans fanatisme et rend son honneur à l'Armée et aussi à la France. C'est cette France là, stratosphérique pour les petites rancoeurs d'un Zemmour, qui fait l'admiration des vrais juifs et des vrais hommes, tout simplement. 

    La thèse de Zemmour est bien sur absurde et l'union sacrée de 14 le montra bien, sans parler de la victoire, acquise malgré les nombreux morts, les mutineries sanctifiées par la gauche ne l'ayant été que pour s'excuser de la lâcheté générale de 40, point essentiel de la stratégie histérico-politique de Zemmour le réconciliateur. Deux Frances donc, entre 14 et 40 et rappeler l'affaire des fiches et Dreyfus, au nom de la réhabilitation de Pétan et Maurras est bien le péché de Zemmour et il n'est pas mignon. Finkie s'oppose à cela de tout son sentiment navré et le fait est que seul un vrai gaulliste pourrait rentrer dans le lard du petit kabyle pétainiste. 

    Mais il y a plus. Son rappel de la France "seule" ou "d'abord" slogan zambéziste de Maurras, échoue devant la terrible phrase de De Gaulle "les tenants de la France seule ont accepté la compagnie de l'ennemi héréditaire qui l'avait vaincue et pillée". Zemmour en rajoute; après la trahison des anglo saxons en 36 (comme si le front populaire avait eu besoin d'eux pour ne pas intervenir) , on a  ni yes ni ya (la balance semble équilibrée pour Zemmour jugeant Pétain équilibrant) et cerise sur le gâteau, l'insupportable évocation de la fameuse "zone libre" sur laquelle régna Pétain victorieux et qui justifia l'armistice... Zemmour va même quel culot faire remarquer que la politique extérieure de la France de 1960 était celle décrite par Maurras en 1895, 45 ans avant que l'anti allemand fanatique se réjouisse de la défaite... 

    De plus en plus exhalté sur cette thèse mortifère que les vieux férus d'histoire se contentent de regretter navré, on n'a pas voté Mitterand pour rien, Zemmour dénature complètement sa vision de la France et le message pourtant agréablement réac qu'il porte par ailleurs. Il montre en fait à l'occasion le visage profondément médiocre d'une France qui se refuse d'avoir eu besoin de De Gaulle pour survivre. Une revanche de l'affaire algérienne sans doute et Zemmour a un inconscient, mais cela va plus loin: la collaboration aurait été ainsi un bon tour qu'on aurait joué aux allemands: une manière féminine de se relever d'un viol: on n'a pas joui ou bien le contraire, mais ça va finalement... La France éternelle à l'oeuvre en quelque sorte, alors qu'on a touché le fond, disparu comme jamais depuis le traité de Troyes, et qu'on épongé le mépris de ses ennemis et aussi de ses alliés... Car elle refusa de se battre et c'est bien le sentiment inverse qui anima d'abord les gaulliste de 40 (2) et non pas le maurassisme. Que Zemmour puisse faire fi de cette réalité, là de cet honneur sauvé (le fut il vraiment?) par quelques types, est désespérant: peut être qu'en fait il n'y avait pas lieu de le faire. Un honneur perdu et perdu et le testament de Zemmour, finalement celui là, le coup de pied de l'âne du kabyle vaincu de 1830: votre France a maintenant disparu. 

    Surtout que c'est cette France là qui vient de se vautrer économiquement et sanitairement et qui va encore plus plonger sous nos yeux dans l'année qui vient. Les chiottes au fond du jardin vont réapparaitre et le peuple superficiel va encore une fois, sans se le dire bien sur, vivre un de ces incroyables et sinistres abaissement méprisables qui marquent son histoire. Tout cela au son des trompettes. Conformément aux attentes, le progressisme foutu et vérolé issu de la ruine de la gauche qui s'est glissé au pouvoir a manifesté et au combien son talent: incapacité totale, couacs permanents entre eux, avec l'opinion, avec le réel. La plus forte récession du monde occidental attend le pays le plus meurtrier du monde occidental. La honte, plus la défaite, plus la ruine. La honte surtout: une communauté méprisable foutraque et minable, qui a préparé, voulu et administré sa honte. 

    A quoi peut on sentir cet inéluctable faiblesse ? D'abord à l'absence totale de discours public lucide de la part de quiconque. Tous dégoulinant de pleurnicherie vantarde, tous vautrés dans le n'importe quoi, tous respectueux du méprisable: un état failli dont il ne reste que le nom et dont ils s'acharnent à vénérer la lamentable autorité, en espérant en récupérer un jour le hochet, pour faire la même chose. 

    Bien sur orphelin de Fillon je regrette encore son style, mais faut il qu'il soit inimitable, il n'est pas remplacé: la droite glappit sans puissance et ne met rien en avant, ligoté par les opinions nouées qu'elle représente. Quand à la gauche, si l'on oublie celle qui a disparu, on ne voit que Mélanchon qui continue d'espérer, l'homme qui caresse l'immigration pour avoir ses voix. 

    On rigole au "front populaire" d'Onfray, auquel Raoult participerait, on va bien voir ça va être marrant vu le genre de type, à rebours de tous les débats, le pauvre réac girondin, faux philosophe, va plaider pour la proportionnelle intégrale. 

    C'est bien pour cela que Zemmour, sans illusions sur Lepen, bataille pour la réconciliation des droites, d'où pourrait émerger quelque chose, mais on se demande quoi. Quand viendra l'épreuve, que faudra-t-il faire? Suivre la nécessité de l'heure ou bien ses penchants éthiques ? Courir qui au fascisme qui pourrait être puni ou pas, ou bien à la destruction de soi et à l'alliance avec les médiocres ? Facile d'imaginer qu'un De Gaulle puisse permettre de choisir, car il n'y en aura pas.  Là où Zemmour a raison sans doute, c'est que quand la médiocrité rédhibitoire de tout ce que le normal propose sera établie et que l'extrême de l'autoritarisme sera nécessaire, il faudra suffisamment de gens de qualité dans ce camp là pour faire la balance face à l'autre médiocrité, celle de la revanche et de la corruption. Belle ambition et préparation à l'avenir, et cela n'est pas gagné. En tout cas le prix à payer, la réconciliation avec la sale droite me parait bien trop élevé. Ce sera au contraire aux énergiques à se fédérer au dernier moment: ne faites pas confiance aux vrais fachos ! 

    Car cette France là c'est aussi celle qui se vautre dans la défaite et qui en jouit: la part féminine de l'abjection, ce qui fait qu'il y a des nations qui ont abandonné le manche, l'Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, la France de Pétain, bref tout ce qui ne veut qu'être tranquille dans sa petite famille sous développée avec ou sans le pouvoir: car il est plaisamment sectaire de partager la fange avec ses copains les fachos: cela fait de la merde à lancer sur tout ce qu'on déteste. Par instinct, figurez vous, cela me dégoute et j'admire en fait l'absence de ressentiment de Raoult ! Mon ressentiment à moi n'est que tristesse. 

    En tout cas, une chose est sure et la France dans ces heures là aura toujours la même boussole: il n'y a de valeur que ce qui la concerne vraiment et les funestes alliances avec l'étranger sont le signe de l'ennemi à combattre. Si assis sur la collaboration des "classes populaires", on veut faire l'unité nationale en faisant appel aux indigènes pour combattre le fascisme, et bien il faudra en profiter pour résoudre le problème et tout détruire. Là au moins, ce sera clair. 

    Rebondissons sur le discours de Zemmour: alliance avec l'étranger ? Qu'a fait De Gaulle sinon s'allier, il voulut même s'unir, avec l'anglo saxon cause de notre faiblesse ! Là est la marque du choix et qui me conforte dans ma haine du véritable étranger. L'Allemagne de Hitler n'était pas occidentale pas plus que le lamentable ramassis de berbères islamisés qui nous a envahi. Il n'y a pas à hésiter, l'hésitation de Zemmour en fait un berbère neutre, un ennemi donc, et il n'est pas sur qu'il ne souhaite pas finalement ce qu'il prévoit. L'éloignement du caractère historiquement catholique et chrétien pourrait faire croire que tout se vaut, et l'athéisme de Pétain ne fut par pour rien dans sa trahison. Me voilà donc réfugié chez le petit jésus, et chez le roi ? Diable !  

    Revenons à Finkie, le littéraire qui se plaint de la baisse du niveau culturel. On a là et c'est Todd qui le dit (3), la structuration de la France en distinction entre haut et bas, et là le bas s'enfonce. Finkie est anti Raoult et fut conspué par un gilet jaune (en fait un maghrébin déguisé): il hérite du mépris de la France cultivée contre le peuple obscène et barbare. Or la France c'est aussi ces 80% de classes moyennes qui vivent le déclassement de leur pays et qui incluent, c'est Todd qui nous le révèle, les tenants de la fausse conscience, ceux qui croient encore à Macron et à ses fables à la fois humanitaristes et pseudo libérales: ils ne sont que les larbins d'une société sociale démocrate taillé à leur avantage et qui s'effondre sans qu'il l'admettent ni ne le réalisent. 

    Le débat avec Zemmour le montre: il y a aussi ce peuple cultivé de la vieille histoire, celle que Zemmour propage, et qui pourrait se tourner vers autre chose, c'était la question. Car les sbires de Macron sont doublement dégénérés: ils ont abandonné non seulement le peuple, mais aussi la nation et son histoire, et ils veulent son oubli et sa destruction. C'est le sens de la révolution de l'enseignement et du bourrage de crâne pro immigrés: il faut détruire le fond anthropologique français, tout ce qu'à tort le soixantehuitardisme nous a appris à détester et à mépriser. Coluche et les deschiens même combat. 

    Il faudrait redécrire Todd et sa stratification: les gilets jaunes furent visibles sur tout le territoire, ce qui abroge la différenciation familiale française et la remplace par la pyramide du mépris, l'égalitaire libéral est maintenant populaire, c'est ça l'intuition géniale ! Tandis que le méprisant intellectuel supérieur devient autoritaire... La France cul par dessus tête, et je suis aussi gilet jaunes, par conséquent, vive la sociale !

    Un seul bémol aux brillantes analyses de Todd (4), on lira son bouquin, est que son physique "arabisant" lui fit subir enfant des "sale bicot" et son gendre serait algérien: juif lui aussi (le 3ème gourou juif français et pas le moindre) il prophétise, mais pas sur ce sujet là: pour lui, le coup d'état sera le fait d'une alliance Macron Le Pen , les deux partageant les mêmes valeurs de haine !!! Et surtout le fait que l'Etat est soutenu par l'armée et la police, deux bastions du vote FN. Il va même, pour sortir du mal absolu qu'est l'Euro allemand, jusqu'à prôner une alliance avec les US ! 

     

    P.S. Au passage et entre deux  confidences, il faut noter que Todd exprime très bien, sans s'en rendre compte, que la France n'est PAS libérale (son élite est fonctionnaire) mais il ne va pas jusqu'à admettre que ce n'est pas l'Euro qui est responsable de son abaissement mais bien l'absence de libéralisme (c'est cela qui me sépare de lui). Pourtant il est très proche de la vérité et reconnait pleinement que d'une certaine manière, les vrais libéraux sont les gilets jaunes ! Quand on pense que pour moi, ils étaient la cible de la vraie libéralisation nécessaire que visait Fillon... 

    Surtout que Todd tire un trait sur les errements anti libéral/libertaires (Michéa etc: les prolos étaient déjà indifférents à l'homosexualité dans les années 30) et acceptes les évolutions sociétales, ramadan et homosexualité.  C'est là le pli ou tout se redéploie et où la complexité du problème des frances se manifeste le plus... 

    Je ne vois pour ma part qu'alliance entre Macron et toute la gauche, sociétal mélanchonien et immigrationniste compris, le bloc central décrit par Todd étant par essence libéral au vrai sens du terme et devant s'allier, drapeau français en tête, avec les désespérés prolos en souffrance du RN. Simplement il ne faut pas que cela soit à la Zemmour et ce n'et pas De Gaulle qu'il faut oublier mais bien Pétain et l'Algérie. Il y a quatre vingt ans, la France s'effondrait. Nous y sommes. Les cartes vont être redistribuées et on ne sait pas comment. 

    80 ans ! C'est ce qui sépare la prise de la bastille de la déroute de 1870 !  

    (1) le débat Zemmour Finkielkraut https://youtu.be/K4Z4H8ITRug

    (2) le résumé des thèses de Zemmour: ???

    (3) longue péraraison de Todd: https://www.youtube.com/watch?v=kYWYlvYhZM8

    (4) Le très long interview de Todd https://lvsl.fr/emmanuel-todd-macron-nest-plus-republicain/